Le Président Macron a demandé une étude historique sur la guerre menée par la France dans le sud du Cameroun dans les années 1945-1960. C’est tout à son honneur et à celui de notre pays, et participe à l’effort de mémoire que la France fait vis à vis sur des événements politiques et militaires qui ne sont pas à son honneur. Y participent le rapport établi par une commission Stora sur la guerre d’Algérie, celui sur le massacre des tirailleurs de Thiaroye au Sénégal et la reconnaissance de la répression de la révolte des malgaches en 1947.
Peu connue en France est la répression de la guérilla menée par les militants de l’Union des Populations du Cameroun dans le sud-ouest de ce pays à partir de 1950, essentiellement peuplé de Bassas et de Bamilékés. Rappelons que ce pays fut d’abord colonie allemande puis, après la première guerre, un mandat fut donné à la France et à la Grande Bretagne par la SDN puis l’ONU pour le gérer. Le pays fut divisé en deux : le sud-ouest, limitrophe du Nigeria, fut accordé à la Grande Bretagne et le reste à la France. Un mouvement syndical puis politique se développa demandant la réunification de ces deux parties, l’indépendance et des droits sociaux pour les Camerounais. Ce mouvement devint un parti politique (l’UPC) avec une présence locale, des journaux et une branche syndicale. Dans les années 1950, il réclamait surtout de pouvoir participer à des élections libres et la mise en œuvre d’une véritable démocratie.
Mais la puissance coloniale, s’appuyant sur le refus des colons français de toute ouverture, répondit par une répression militaire de plus en plus marquée et par l’application des tactiques de guerre coloniale venant du Viêt Nam et de l’Algérie. On n’en parlait guère en France, plus occupée par l’Algérie. Des milliers de Camerounais furent tués, d’autres emprisonnés, des transferts massifs de populations effectués. L’UPC se transforma en structure de guérilla dirigée par un leader charismatique : Ruben Um Nyobé et par Felix Moumié. La guérilla était faiblement organisée, assez isolée, peu armée, et les forces françaises finirent par les vaincre et capturer Um Nyobé qu’ils assassinèrent en 1958 dans son village natal. Il en fut de même pour Felix Moumié, empoisonné à Genève par un agent français.
Un parti politique, l’Union nationale camerounaise, dirigé par les colons puis par les autorités françaises, fut largement poussé, et par des élections truquées devint majoritaire à l’assemblée et au gouvernement. C’est ainsi que Ahidjo devint Premier ministre puis en 1960 Président de la République, dans la main et sous le contrôle des Français. Il continua longtemps la répression contre l’UPC grâce à l’appui inconditionnel de l’armée française. Aujourd’hui on ne parle plus guère de cette période. Paul Biya le président camerounais (92 ans) ne la mentionne jamais et refuse d’ouvrir les archives nationales à la commission historique.
Cela ne doit pas nous empêcher de nous souvenir.