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Richard Yung
Octobre 2021

Je partage entièrement l'analyse de Pierre Moscovici dans sa lettre ci-dessous dans laquelle il annonce qu’il ne sera pas candidat à la tête de liste aux élections européennes pour le PS.

Je ne ferai pas de commentaires sur la stratégie du PS. Ce qui est le plus important, c'est de barrer la route à un groupe hégémonique des nationalistes et des populistes au Parlement européen

Je ne serai pas candidat à la tête de liste aux élections européennes pour le PS. C’est l’aboutissement d’une réflexion sérieuse. Une candidature de ma part n’aurait pas été mue par l’ambition personnelle : j’ai déjà exercé toutes les fonctions européennes. Mais le devoir d’un socialiste et d’un Européen expérimenté et convaincu, le sens des responsabilités face à la crise de l’Europe et de la gauche m’obligeaient à me poser cette question. J’y réponds aujourd’hui.

1. L’Europe traverse une crise politique, inédite et profonde. Cela impose une réponse à la hauteur.

Depuis 60 ans, l’Europe a toujours réussi à surmonter ses crises économiques ou politiques par la vision de ses leaders, la recherche d’un compromis pour le bien commun et une intégration plus poussée.

La crise actuelle est la plus dangereuse de son histoire, elle menace l’existence même du projet européen : le moment est tragique.

  • Sur son territoire et pour la première fois depuis la 2nde Guerre Mondiale, l’Europe doit faire face à une remise en cause de ses valeurs démocratiques et humanistes. Dans de nombreux pays, certains partis politiques, au gouvernement, en coalition ou dans les parlements nationaux, prônent le repli sur soi, le rejet de l’autre au nom d’une préférence nationale pleinement assumée. Ils prônent la « démocratie illibérale », celle qui arrive au pouvoir par les urnes, pour ensuite la confisquer, remettre en cause l’Etat de droit, attaquer la liberté des médias, détruire l’indépendance de la justice. Cette rhétorique a contaminé l’ensemble du débat public européen et affaiblit l’idée européenne elle-même.
  • À l’extérieur de ses frontières et pour la première fois aussi, l’Europe doit faire face à des menaces d’un genre nouveau :
    • À l’Ouest, notre allié de toujours dans la bataille pour le monde libre, les Etats-Unis d’Amérique, épouse avec Donald Trump les thèses populistes, remet en cause les fondements du système international et de ses institutions, sort des Accords de Paris, et nous tourne le dos, voire nous pointe du doigt comme un ennemi commercial et politique. C’est une vraie rupture historique.
    • À l’Est, la Russie du président Poutine s’immisce dans nos élections et promeut la démocratie dirigée.
    • À l’Est toujours, une Chine conquérante économiquement affirme une volonté d’hégémonie politique.
    • Au Sud, les vagues migratoires font craindre un déferlement de la misère à nos concitoyens, au point de leur faire oublier les impératifs de solidarité et d’ouverture qui sont au cœur de l’humanisme européen.
    • Au Nord enfin, la calotte glaciaire fond, nous rappelant, avec la sècheresse, l’impact durable et délétère du changement climatique.

Tout ceci nous oblige à redonner du sens à notre Europe, à consolider notre unité, et à construire enfin une Europe - puissance.

2. L’enjeu des élections européennes est le plus important depuis qu’elles existent, en 1979 : il s’agit de relever ces défis.

  • L’Europe est à la croisée des chemins. Si nous ne faisons rien, les Orbán, Salvini, Kaczyinski, Le Pen, dessineront une Europe où la justice et la presse seront sous contrôle, où les étrangers seront stigmatisés, où les minorités seront menacées. Populistes pour les uns, nationalistes pour d’autres, tous ces leaders d’extrême-droite sont pour moi les ennemis des démocraties ouvertes et libérales que nous avons bâties depuis 1945 pour garantir la paix. Cette vision de cauchemar est déjà à l’œuvre dans certains de nos pays. Je souhaite que les Européens se réveillent et reprennent le combat des projets et des valeurs contre cette posture dangereuse. De ce point de vue-là, l’opposition entre les pro et les anti-européens fait sens, même si elle n’épuise et ne résume pas le débat sur l’Europe que nous voulons.
  • Nous devons entendre les questions des citoyens européens, leurs angoisses. Je continue de penser qu’il faut que l’Europe change profondément. On ne construira pas l’Europe de demain avec les conceptions d’hier. Nous avons bâti l’Europe par le haut, en pensant que les peuples suivraient parce que la paix, la démocratie et la prospérité vaincraient toutes les résistances. Cette certitude a disparu. La gauche européenne, notamment la socialdémocratie, sa force principale, n’a pas suffisamment su, durant la crise économique et face à la crise migratoire, trouver les mots et les idées pour répondre aux inquiétudes européennes. Nous en payons le prix. Nous avons le devoir de mieux répondre aux attentes des Européens lors des prochaines élections. Nous devons retrouver les peuples en agissant concrètement dans les territoires, avec la jeunesse, les forces économiques et sociales, les artistes, pour construire une Europe plus sûre, plus proche, plus juste. Nous devons, en un mot, opposer l’Europe populaire à l’Europe des populistes.
  • Partout en Europe, la gauche de gouvernement est en recul. J’ai pourtant la conviction que le combat contre les inégalités, qui sont la racine du populisme, est la bataille de notre temps, et qu’une gauche pro-européenne, profondément revisitée, est le mieux outillée pour la mener. Il y a toujours eu une vision socialiste et sociale-démocrate de I’Europe — une Europe intégrée, ouverte, protectrice et solidaire. Ce doit être plus encore le cas dans les temps dramatiques que nous vivons. La gauche sociale-démocrate a sans doute un inventaire à faire, mais si elle se refonde, ses idées ont un bel avenir.

3. Le Parti socialiste français n’a pas selon moi pris la mesure de ces enjeux.

  • Le sens d’une candidature de ma part eût été de mener la bataille pour l’Europe et d’entamer le redressement de la social-démocratie. Elle exigeait une clarification : elle aurait été au service d’une gauche résolument pro-européenne, pragmatique, réformiste. Elle appelait au rassemblement : dans un parti déjà terriblement affaibli par sa déroute en 2017, ajouter la division à la division n’aurait eu aucun sens.
  • Or le Parti socialiste n’a jusqu’à présent mené à leur terme ni sa clarification ni son rassemblement. Il reste divisé entre ceux qui voient dans l’Europe une chance, un horizon, un ADN de la gauche de gouvernement, et ceux qui voient en elle une contrainte, un problème, voire une erreur. Il continue de chercher à marier en son sein les contraires, dans un nouveau ni/ni — ni pour ni contre, ni pro- ni anti-européen — qui n’est pas lisible. La gauche, le PS ont déjà trop donné dans cette ambivalence : on ne peut pas regarder à la fois vers Jean-Luc Mélenchon et vers mes amis Pedro Sanchez, Antonio Costa ou Alexis Tsipras. Ce n’est pas la même gauche ! Ce n’est pas la même vision de l’Europe ! Les uns veulent construire une Europe de gauche responsable, solidaire et efficace, l’autre rêve d’un plan B aux accents populistes voire nationalistes. Cette synthèse-là est un oxymore, un artifice. Il n’y a pas de gauche qui vaille sans unité, mais il n’y a pas d’unité sans clarté dans la ligne suivie et sans fermeté dans la stratégie. De surcroît, le PS, s’il se situe au sein du Parti Socialiste Européen (PSE), reste en marge de ses travaux et de ses dynamiques : ainsi, il ne s’est pas engagé dans la recherche d’un « spitzenkandidat », d’une tête de liste européenne, pour faire pencher la balance à gauche.
  • Le plus grave est selon moi le flou, et parfois la confusion, sur les idées et sur la stratégie politique. Où doit se situer le socialisme démocratique dans la nouvelle donne européenne, plus complexe, plus fragmentée ? Certains semblent oublier que le PS est depuis toujours un parti de gauche, engagé dans la construction européenne pour lui donner un sens, une orientation progressiste, juste, humaniste. Je ne crois pas, pour ma part, alors que Donald Trump enfourche le cheval du protectionnisme et part à l’assaut du multilatéralisme, que le libre-échange soit devenu un ennemi ou un tabou. Il doit être régulé, conditionné, maitrisé, pas abandonné. Je ne crois pas qu’un accord avec le Canada, un des pays dont nous sommes sans doute les plus proches par la culture et les valeurs dans le monde, un accord qui profite nettement à notre économie en préservant nos règles environnementales et sociales, doive être refusé. Sinon, avec qui échanger ?
  • Je ne crois pas enfin que le PSE doive s’enfermer, comme semble le proposer le PS français, dans un splendide isolement au sein des institutions européennes. Le socialisme a toujours été une force de gouvernement en Europe, et doit le rester. Ainsi, s’interdire de facto, au nom de la pureté idéologique , de participer aux discussions pour désigner la future Commission européenne, forcément pluraliste, ou pour élire son Président — même s’il n’est pas issu de nos rangs, ce qui est le plus probable — c’est renoncer à jouer tout rôle autre que protestataire ou négatif sur la définition des politiques publiques européennes, c’est abdiquer l’ambition de les inspirer ou les animer, c’est refuser d’agir face à la crise existentielle de l’Europe. Comme l’affirme le PSE, je ne suis pas favorable à une « grande coalition » avec une droite européenne de plus en plus ambigüe à l’égard de l’extrême-droite. Pour autant, se marginaliser dans le prochain Parlement européen, qui sera sans doute divisé, sans majorité claire face à une extrême- droite renforcée, serait absurde.
  • Bref, je ne crois pas à la « rupture de gauche » avec l’Europe, ou à la construction illusoire d’une autre Europe. C’est une vieille rhétorique, un disque rayé et trop entendu. C’est aussi une profonde erreur de diagnostic et un manque de lucidité politique : la plupart des électeurs qui ont quitté la gauche de gouvernement en 2017 ne l’ont pas fait parce qu’ils pensaient qu’elle était trop européenne, mais parce qu’ils jugeaient qu’elle ne l’était pas assez, ou pas assez nettement ! C’est vers eux qu’il fallait se tourner, et non leur tourner le dos. Je me bats au contraire pour un engagement européen de gauche, pour une refondation progressiste de notre Europe. C’est mon combat de toujours, et c’est le seul auquel j’entends participer.

Ces désaccords sont très substantiels. Ils sont la raison de ma décision d’aujourd’hui.

4. J’assume ce que je suis : je reste un socialiste, un socialdémocrate, un pro-européen convaincu et inquiet. Un vrai socialiste, attaché aux conceptions internationalistes de Jean-Jaurès, combattant le populisme issu de nos rangs comme Léon Blum, Européen comme François Mitterrand ou Jacques Delors, réformiste de gauche comme Michel Rocard ou Lionel Jospin. Je reste fidèle à cette histoire, à cette identité, qui seront le moment venu les fondements d’un renouveau social-démocrate.

Je ne serai pas candidat en mai 2019, mais je conserve mes engagements, ceux d’une vie.

  • Je ne serai donc pas absent de cette campagne. J’y serai un porteur d’idées, face aux anathèmes nationalistes. L’Europe a besoin de propositions pour lutter contre les inégalités, qui menacent nos sociétés, pour investir dans le capital humain, pour réguler la finance, pour protéger nos démocraties et nos sociétés ouvertes contre les monstres du populisme et de l’extrême-droite, pour promouvoir une gouvernance plus citoyenne et moins technocratique, pour lutter contre le réchauffement climatique et pour le développement de l’Afrique. Je travaillerai sur ces idées, et les exprimerai avec force.
  • Je serai actif aux côtés de mes amis du PSE. Je serai aussi un constructeur de ponts entre ceux qui savent que l’Europe ne se construit pas au sein d’un seul parti, mais qui veulent nouer des alliances de sens, de bonne volonté. C’est pourquoi je consacrerai ces prochains mois à bâtir une stratégie avec les forces de gauche européennes pour que nos idées de progrès et le projet européen restent au cœur du prochain Parlement européen.
  • Je resterai dans l’action comme Commissaire européen. Je m’inscrirai dans la continuité de ce que j’ai fait depuis 4 ans pour refuser le GREXIT et aider la Grèce à retrouver l’espoir et la prospérité après son programme d’assistance, abandonner l’austérité et donner de la flexibilité à nos politiques budgétaires, lutter contre la fraude et l’évasion fiscale, et taxer les géants du numérique comme ils doivent l’être. Il me reste des propositions à faire aboutir — la fiscalité du numérique en premier chef — et des valeurs à défendre. Mes combats de Commissaire européen resteront jusqu’au bout ce qu’ils ont toujours été : ceux d’un social-démocrate engagé. Je suis fier des avancées qu’ils ont permis de réaliser.

5. Je crois toujours que la gauche a un avenir, en France et en Europe. La période est difficile, la gauche de gouvernement n’a achevé ni l’inventaire, ni la rénovation nécessaires, même si je sais que beaucoup de femmes et d’hommes de qualité, beaucoup d’élus de grand talent continuent à militer au PS, dont de nombreux Français attendent qu’il leur reparle. De meilleurs temps viendront : si la social-démocratie redevient elle-même, en adoptant sa pensée et sa pratique au 21ème siècle, elle peut demain porter à nouveau l’espoir.

Pour moi, c’est une page qui se tourne, ce n’est pas un adieu à la vie publique dans mon pays, la France, mais plutôt un nouveau départ : je reprends ma liberté, au service de mes idées et mes valeurs. À 61 ans, combattre le nationalisme qui a fait traverser à mes parents la plus terrible des épreuves celle de la guerre, de la xénophobie, du racisme, de l’antisémitisme — et construire l’Europe où je veux que mon fils grandisse, une belle Europe, fidèle à son message historique, m’apparait comme fondamental. Je m’y consacrerai avec détermination et enthousiasme.

Pierre Moscovici

04/10/2018