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Je vous souhaite la bienvenue sur ce site archive de mon mandat de sénateur des Français hors de France.

Mandat que j'ai eu l'honneur de faire vivre de 2004 à 2021.
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Je me suis retiré de la vie politique à la fin de mon mandant en septembre 2021, je partage désormais mes réactions, points de vue, réflexion sur https://www.richardyung.fr

Merci de votre visite.

Richard Yung
Octobre 2021

Le 4 novembre, j’ai participé, dans le cadre de la commission des affaires européennes, à l’audition de Laura Kövesi, cheffe du Parquet européen.

Constitué sous la forme d’une coopération renforcée impliquant vingt-deux États membres [*], le Parquet européen sera compétent pour rechercher, poursuivre et renvoyer en jugement les auteurs d’infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’UE (fraude transfrontalière à la TVA, blanchiment d’argent, corruption, fraude impliquant des fonds européens, etc.). L’objectif est de « récupérer plus efficacement les fonds obtenus de manière frauduleuse », dont le montant s’élevait à environ 1,2 milliard d’euros en 2018.

La mise en place du Parquet européen constitue « une étape importante vers la création d’un espace commun de justice pénale dans l’ensemble de l’UE ». La France plaide pour l’extension de son champ de compétence à la lutte contre le terrorisme et la criminalité grave ayant une dimension transfrontière, conformément à l’article 86 du traité sur le fonctionnement de l’UE. La Commission propose que cette extension devienne effective en 2025.

Pour ce qui concerne les fraudes liées à la TVA, la compétence du parquet sera limitée aux infractions ayant causé un préjudice supérieur à 10 millions d’euros et impliquant au moins deux États membres.

S’agissant des autres fraudes, le parquet sera compétent pour les infractions à l’origine d’un préjudice supérieur à 10.000 euros. Il pourra en outre « décider de ne pas se saisir des affaires de fraudes de moins de 100.000 euros ou de les transférer aux autorités nationales lorsque, en raison de la gravité du délit ou de la complexité de la procédure, il n’y a pas lieu d’ouvrir une enquête ou d’engager des poursuites au niveau de l’UE ».

Installé fin septembre à Luxembourg, le parquet était censé entrer en vigueur le 20 novembre dernier. Il débutera finalement ses travaux au premier trimestre 2021.

Ses principaux partenaires seront Eurojust, Europol et l’Office européen de lutte antifraude (OLAF).

Les États participant à la coopération renforcée ont chacun désigné un procureur européen. S’agissant de la France, Frédéric Baab a été nommé pour siéger au sein du collège, qui est l’instance centrale du parquet.

Les procureurs européens seront relayés, dans les États participants, par des procureurs européens délégués (PED), qui seront chargés de mener des enquêtes et des poursuites en appliquant la législation nationale. Les enquêtes et les poursuites seront supervisées par les chambres permanentes, qui pourront donner des instructions aux PED.

À l’issue de la phase d’enquête, la chambre permanente décidera, sur la base d’un projet de décision proposé par le PED responsable, si l’affaire doit être portée devant un tribunal national ou si elle doit être renvoyée, rejetée ou faire l’objet d’une procédure pénale simplifiée. Une fois portée devant le tribunal national compétent, l’affaire sera administrée par le PED.

Le 2 décembre, la Commission européenne a appelé les États participants à nommer rapidement leurs PED. À ce jour, seuls deux pays ont nommé leurs PED (Allemagne et Slovaquie). Les désignations sont en cours en Estonie, au Luxembourg et aux Pays-Bas.

Vous trouverez, ci-dessous, un extrait du compte rendu de l’audition.

Mme Laura Kövesi, Premier chef du Parquet européen. - Merci beaucoup de me donner l’opportunité d’engager un dialogue avec vous. Aux côtés de la Cour européenne de justice, le Parquet européen renforcera le pilier judiciaire communautaire. Lorsqu’il sera opérationnel, le Parquet européen protégera de manière efficace les valeurs, les citoyens et les intérêts financiers de l’Union européenne.

Pour la première fois, un organe européen mènera ses propres enquêtes, poursuivra et fera traduire en justice les atteintes criminelles aux intérêts financiers de l’Union. Contrairement à Eurojust, le Parquet européen n’est pas seulement un instrument pour améliorer la coopération judiciaire entre les États membres. Contrairement à l’OLAF, il n’émettra pas de recommandations aux services judiciaires, sur la base d’enquêtes administratives. En tant que parquet spécialisé, la compétence du Parquet européen sera obligatoire : nous aurons l’obligation légale d’enquêter sur toute fraude impliquant des fonds européens ou toute fraude grave à la TVA transfrontalière commise dans les États participants depuis novembre 2017.

En pratique, le Parquet européen sera composé de 22 procureurs européens basés au Luxembourg, qui superviseront les enquêtes ouvertes par les procureurs européens délégués dans les États membres participants. Les procureurs européens délégués feront pleinement partie du système judiciaire national de chacun de leur État membre et mèneront les poursuites devant les tribunaux nationaux. La mise en place de ce système constitue un défi sans précédent pour un magistrat de ma génération.

Le but de la Commission est que le Parquet européen soit opérationnel à partir de la fin 2020. Pour ma part, j’ai pris mes fonctions le 4 novembre 2019 mais j’ai dû attendre septembre 2020 que le collège des 22 procureurs européens soit composé. Nous nous sommes immédiatement mis au travail.

Tout d’abord, nous avons alerté sur le déficit de financement du Parquet européen prévu dans le projet de budget pour 2021 et dans le prochain cadre financier pluriannuel proposé par la Commission européenne : il manque presque 18 millions d’euros par rapport à ce dont nous avons besoin pour fonctionner, et nous n’avons pas de marge pour des développements ultérieurs de notre activité. Avec cette proposition de budget, il existe un risque de blocage du Parquet européen au niveau central, risque qui ne peut être réduit que par un soutien opérationnel aux procureurs européens.

De plus, en quelques semaines, nous avons arrêté les conditions applicables aux contrats de travail des procureurs européens délégués, pour que les États membres puissent lancer les procédures de sélection : en effet, en l’absence d’un nombre suffisant de procureurs européens délégués dans tous les États participants, nous ne pourrons pas commencer les opérations. Conformément au règlement établissant le Parquet européen, et même si plusieurs États membres, dont la France, contestaient ce point, le collège a décidé de laisser aux États participants le soin d’assumer les dépenses afférentes au maintien des droits de sécurité sociale et de retraite des procureurs européens délégués. Cette question de principe, soulevée par certains États membres, devra être traitée lorsque le statut des procureurs européens délégués sera redéfini, de même que les responsabilités budgétaires des différentes parties prenantes, dans le cadre de la prochaine révision du règlement fixant le statut des fonctionnaires et autres agents européens, et du règlement établissant le Parquet européen.

Dans ce contexte, je regrette que la France fasse partie des États avec lesquels nous n’avons pas, pour l’instant, d’accord formel sur le nombre de procureurs délégués, et qui n’ont pas encore adapté leur législation interne. Je compte donc sur votre aide pour accélérer ce processus.

Dans l’intervalle, nous continuerons bien entendu à travailler de manière indépendante et déterminée ; nous travaillons d’arrache-pied pour rattraper le temps perdu. Nous prenons notre rôle extrêmement au sérieux et nous avons l’intention de commencer nos opérations le plus rapidement possible.

Mesdames et messieurs, la question que nous devons nous poser aujourd’hui est très simple : voulons-nous un Parquet européen uniquement pour pouvoir dire que nous en avons un ou voulons-nous un Parquet européen qui soit une institution efficace ? En ce qui me concerne, je souhaite que le Parquet européen soit une institution réellement indépendante, efficace et forte, une institution en laquelle les citoyens auront confiance, un centre d’excellence capable d’œuvrer à la confiscation des avoirs d’origine criminelle et au recouvrement des dommages et intérêts, et qui apporte une vraie plus-value en matière de fraude à la TVA transfrontalière.

Enfin, il est clair, selon moi, que le Parquet européen revêt un sens plus profond pour les citoyens européens : ils le considèrent comme le premier instrument réellement efficace pour défendre l’État de droit dans l’Union européenne. Ils ont, à raison, des attentes élevées concernant le Parquet européen.

J’espère que je pourrai aussi compter sur votre soutien dans ce moment crucial qu’est la mise en place du Parquet européen. Je vous remercie pour votre attention et répondrai volontiers à toutes vos questions.

[...]

M. Richard Yung. - Les fraudes à la TVA sont essentiellement menées par des groupes internationaux de grand banditisme. Comment allez-vous coordonner votre action contre cette fraude fiscale avec les autres aspects de procédure qui auront lieu soit au niveau des États membres, soit au niveau international ?

Mme Laura Kövesi. - Ce sera un enjeu pour nous de travailler avec 22 codes pénaux et codes de procédure pénale différents, dans chacun des États membres. Il est important de rappeler que nous aurons 22 procureurs européens basés au Luxembourg qui définiront des priorités et élaboreront des stratégies conformément à ces priorités. Pour la France, il s’agit par exemple de M. Frédéric Baab. Nous pourrons débattre de manière collégiale sur les différents aspects juridiques nationaux et sur les différentes procédures nationales.

Bien sûr, quand on parle de crime organisé, ce n’est pas uniquement le niveau national qui est concerné. Nous devrions également avoir 140 procureurs européens délégués : c’est une grande nouveauté. Ils pourront bénéficier de la capacité unique du Parquet européen à obtenir des informations et des données agrégées et analysées au niveau européen, ainsi qu’à enquêter simultanément dans les différents États membres. Ils pourront utiliser les preuves qui seront détenues par d’autres États membres sans avoir besoin de passer par des procédures administratives complexes. En généralisant les méthodes d’enquête les plus efficaces, j’ai vraiment confiance en la capacité du Parquet européen à faire la différence dans la lutte contre le crime organisé.

______________

[*] La coopération renforcée est une procédure par laquelle un minimum de neuf États membres de l’UE sont autorisés à établir une intégration ou une coopération accrue dans un domaine, dans le cadre des structures de l’UE, mais sans la participation des autres pays de l’UE. Les États non participants sont le Danemark, la Hongrie, l’Irlande, la Pologne et la Suède. Ce dernier pays a cependant fait part de sa volonté de rejoindre prochainement la coopération renforcée.