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Richard Yung
Octobre 2021

Le 24 juin, le président de la commission des affaires européennes du Sénat, Jean-François Rapin, sénateur (LR) du Pas-de-Calais, et moi avons présenté un avis politique sur la supervision au sein de l’union bancaire.

Adopté à l’unanimité, ce document a été transmis à la présidente de la Commission européenne, dans le cadre du dialogue politique avec les parlements nationaux.

Lancé en juin 2012, le vaste chantier de l’union bancaire vise à garantir la stabilité du système financier par la prévention et la gestion de crises bancaires comparables à celles de la période 2008-2012. Tous les États membres de la zone euro font partie de l’union bancaire. Les États membres de l’UE qui n’appartiennent pas à la zone euro peuvent y participer via une « coopération rapprochée » avec la Banque centrale européenne (BCE).

Le Mécanisme de surveillance unique (MSU) constitue le premier pilier de l’union bancaire [1]. Entré en vigueur en novembre 2014, il a pour objet de « garantir que la politique de l’Union en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit est mise en œuvre de manière cohérente et efficace, que le corpus règlementaire unique pour les services financiers s’applique de la même manière aux établissements de crédit de tous les États membres concernés et que ces établissements de crédit sont soumis à une surveillance de la plus haute qualité, sans qu’interviennent des considérations autres que prudentielles » [2].

Le MSU est composé de la BCE et des autorités compétentes nationales des États membres participants. Les établissements les plus importants sont directement contrôlés par la BCE, qui peut notamment fixer des exigences de fonds propres plus strictes ou procéder au retrait d’un agrément bancaire [3]. Quant aux établissements considérés comme moins importants, ils demeurent soumis au contrôle des autorités nationales de surveillance bancaire [4], dans le cadre d’une collaboration étroite avec la BCE. Cette dernière peut, à tout moment, décider de contrôler directement un établissement moins important afin d’« assurer une application cohérente de normes élevées de surveillance ».

L’importance d’un établissement est déterminée par rapport à la valeur totale de ses actifs [5]. Il s’ensuit que l’essentiel du système bancaire français est soumis à la surveillance directe de la BCE. Pour ce qui concerne l’Allemagne, elle est le pays de la zone euro qui possède le plus d’actifs bancaires hors surveillance directe de la BCE. En effet, les établissements moins importants allemands représentent plus de 50% du total des actifs des établissements moins importants de la zone euro.

Le président Rapin et moi avons identifié plusieurs points de vigilance : absence de gestion intégrée des fonds propres et des liquidités au sein des groupes bancaires transfrontaliers, difficultés liées à l’articulation entre la BCE et les autorités nationales, coexistence de deux systèmes de normes comptables.

Vous pouvez lire l’avis politique en cliquant ici.

Vous trouverez, ci-dessous, la communication que nous avons présentée devant la commission des affaires européennes.

Richard Yung

Depuis le 4 novembre 2014, c’est la Banque centrale européenne qui assume opérationnellement la surveillance des banques dans les États membres de l’union bancaire dans le cadre du Mécanisme de surveillance unique (MSU).
Dans un temps très court, la BCE a su démontrer sa pertinence et sa crédibilité en tant que superviseur unique. C’est une particulièrement bonne nouvelle car la supervision bancaire est essentielle à la solidité du système bancaire et à la stabilité financière de la zone euro. Les banques européennes, et notamment françaises, apparaissent mieux armées pour résister aux chocs, comme en témoigne leur résilience à la crise actuelle.

La reconnaissance internationale de la BCE en tant que superviseur est désormais parfaitement établie. Alors qu’elle parle d’une seule voix vis-à-vis des pays tiers, le degré de maturité et d’intégration est perçu comme moins élevé au sein de l’union bancaire. La supervision n’est en effet que le premier pilier d’une union qu’elle contribue à configurer.
Nous avons donc souhaité dresser un bilan d’étape, au terme de bientôt sept années de fonctionnement, d’une construction européenne dont le bon fonctionnement, au-delà de la complexité des solutions parfois retenues, est crucial pour nos économies. Afin de guider notre appréciation sur les prochaines étapes de l’approfondissement de l’union bancaire, nous avons souhaité vous présenter les principaux points de vigilance identifiés lors de nos auditions.

Comment fonctionne concrètement la supervision bancaire de la zone euro ? Nous nous sommes intéressés aux moyens mobilisés et aux modalités opérationnelles car ils en conditionnent largement l’efficacité. Le cadre de fonctionnement européen - le MSU - possède un caractère unique du fait qu’il associe, d’une part, la BCE, qui possède la compétence exclusive de supervision prudentielle des banques de la zone euro, et, d’autre part, les superviseurs nationaux, qui exercent des missions de supervision à l’échelle nationale et coopèrent entre eux au sein des Joints supervisory teams (JST).
Ce cadre rend difficile les comparaisons avec d’autres autorités de supervision. Toutefois, les auditions que nous avons menées indiquent que les moyens semblent en ligne avec les pratiques internationales.
Quelques éléments chiffrés. Les équipes dédiées aux activités de supervision de la BCE représentent désormais environ 1 200 équivalents temps plein (ETP), auxquels il convient d’ajouter environ 6 300 ETP au sein des autorités compétentes nationales. Le budget de fonctionnement est, quant à lui, financé par les redevances annuelles (514 millions d’euros en 2020) perçues auprès des entités supervisées.

Porter un jugement sur le fonctionnement d’une autorité de supervision bancaire est par nature un exercice difficile : on sait quand elle échoue mais pas quand elle réussit. Les périodes de crise sont à ce titre de bons indicateurs de performance. Or, force est de constater que face à la crise sanitaire, la BCE a démontré sa capacité à adopter rapidement des décisions. Qu’il s’agisse de l’assouplissement temporaire de certaines exigences en matière de capital et de liquidité ou à l’inverse du durcissement des contraintes avec les recommandations de limitation des versements de dividendes, les décisions ont été prises dans des délais record démontrant la réactivité du processus décisionnel en temps de crise.
Pour autant, la BCE a initié une réorganisation interne en 2020 avec l’ambition de tirer les leçons de près de six années d’existence. S’il est encore trop tôt pour en mesurer l’efficacité, l’opportunité des objectifs retenus fait consensus : renforcement de la transversalité et de la coopération et renforcement du suivi et de la coordination des missions sur place.
Au-delà de ces considérations organisationnelles, il reste des sujets qui méritent attention afin de renforcer la supervision au sein de l’union bancaire et soutenir l’émergence d’une véritable juridiction unique au sein de la zone euro.

Une des lignes de fracture au sein du MSU résulte des forces respectives entre les pays « home », où sont implantées les maisons mères des grands groupes bancaires (notamment les groupes français), et les pays « host » accueillant habituellement les filiales de ces grands groupes. À cet égard, l’union bancaire est encore loin d’avoir pu démontrer toute sa valeur ajoutée.
Concrètement un groupe bancaire transfrontalier situé dans l’union bancaire est supervisé par la BCE en tant que superviseur unique et non plus par les superviseurs d’origine et d’accueil des États membres. Toutefois, ses filiales sont toujours soumises à des exigences individuelles au niveau national, notamment en matière de capital et de liquidité.
Il est compréhensible que les pays « home » soient favorables à une intégration forte des marchés bancaires européens et à une supervision sur base consolidée. Il l’est aussi que les pays « host » privilégient l’échelon national et une supervision décentralisée.
Toutefois, la situation actuelle pose de nombreuses difficultés car elle constitue un obstacle majeur à l’intégration du marché bancaire de la zone euro. Elle se manifeste par des politiques de cantonnement de la part des autorités de surveillance et des États membres. Ces derniers obligent les groupes transfrontaliers à maintenir des niveaux élevés de fonds propres et de liquidités au sein de chaque entité locale. Il s’agit pour eux de conserver au niveau national des fonds propres qui pourraient être utiles en cas de difficultés. Les groupes bancaires transfrontaliers ne peuvent en conséquence pas bénéficier d’une gestion intégrée des fonds propres et des liquidités entre leurs différentes filiales. Le marché bancaire de la zone euro reste fragmenté sur des lignes nationales.
L’équilibre entre le pays d’origine et le pays d’accueil dans le cadre de la législation existante laisse encore une marge de manœuvre pour une intégration plus poussée. Il suffit qu’elle soit mise en œuvre par le conseil de surveillance du MSU et les autorités du pays d’origine et du pays d’accueil, indépendamment de toute évolution réglementaire nouvelle.

Le deuxième point d’attention est lié à la conception initiale du mécanisme de surveillance, qui repose sur l’articulation entre le rôle de la BCE comme autorité de contrôle ultime et les autorités nationales chargées de la surveillance au jour le jour.
Le fonctionnement du MSU repose sur la distinction entre les quelque 120 groupes considérés comme « importants » (Significant Institutions-SI), que la BCE surveille directement, et environ 3 700 entités « moins importantes » (Less Significant Institutions-LSI), dont les autorités nationales continuent à effectuer la surveillance directe. C’est donc principalement le critère de la taille des actifs qui détermine la frontière entre les établissements importants - il s’agit globalement des banques dont le total des actifs est supérieur à 30 milliards d’euros - et les établissements moins importants.

La conséquence de cette distinction est que la situation de supervision diffère très sensiblement en fonction de la structure du secteur bancaire de chaque État membre. En France, l’essentiel du système bancaire national, soit onze groupes bancaires, est sous la supervision directe de la BCE. La situation est parfois très différente chez nos voisins.
Un récent rapport de la BCE fait apparaître, officiellement pour la première fois, que les LSI allemandes représentent plus de 50% du total des actifs des LSI de la zone euro. L’Allemagne possède ainsi le plus d’actifs bancaires hors surveillance directe de la BCE dans la zone euro. Pourtant, la grande majorité des LSI allemandes bénéficient d’accords de soutien mutuel connus sous le nom de régimes de protection institutionnels (IPS). Ainsi, dans le cas d’un IPS, c’est bien le groupe dans son ensemble, plutôt que ses banques membres individuelles, qui serait le niveau de supervision pertinent à des fins de stabilité financière

Cette distinction entre SI et LSI ne devrait pourtant théoriquement pas être source de différence notable en matière de surveillance prudentielle : toutes ces entités indépendamment de leur statut sont en principe soumises aux mêmes règles européennes ainsi qu’à des pratiques de supervision de plus en plus convergentes.
Toutefois, s’il paraît excessif de parler de supervision à deux vitesses, les difficultés liées à l’articulation entre la BCE et les autorités nationales peuvent conduire à une forme de supervision hybride. D’ailleurs, la BCE a fait le choix d’utiliser largement la marge d’appréciation que lui donne le règlement MSU et laisse dans les faits beaucoup de responsabilité et d’autonomie aux autorités nationales.
La récente actualité allemande concernant Wirecard illustre les risques d’insuffisances dans les pratiques locales de supervision. Elle démontre, si cela était encore nécessaire, les avantages d’une autorité centrale de supervision qui prend la responsabilité des risques tout en préservant la distance nécessaire à une approche plus neutre et, partant, plus efficace. L’harmonisation des pratiques de supervision constitue l’un des éléments clés de la poursuite de l’intégration de la supervision commune mais elle doit passer par des pratiques de supervision, semble-t-il, plus intrusives de la part de la BCE.

L’harmonisation des pratiques comptables au sein du MSU est un autre point de vigilance. Il ne concerne pas les entités placées sous la supervision directe de la BCE. En effet, les grands groupes sont tenus d’établir leurs comptes consolidés selon le cadre comptable européen conforme aux normes internationales d’information financière (IFRS) lorsqu’ils sont cotés.
L’harmonisation des normes comptables est par contre un enjeu pour les LSI.
La Commission européenne a publié récemment une étude d’impact sur les différences entre les normes comptables utilisées par les banques dans l’union bancaire. Ce rapport dresse un aperçu des banques par pays en fonction des normes comptables (IFRS ou normes nationales). L’Allemagne se distingue avec 52,1% des actifs bancaires déclarés selon les normes nationales. Les ratios suivants sont beaucoup plus faibles - 22,7% en Autriche, 5% aux Pays-Bas et inférieurs à 2,5% dans tous les autres États membres.
Les banques allemandes non cotées sont ainsi identifiées comme la principale exception aux normes internationales d’information financière adoptées par l’Union européenne.
Finalement, deux systèmes de normes comptables coexistent dans le système bancaire de la zone euro - les IFRS et les normes nationales allemandes - et 88% des actifs bancaires de la zone euro déclarés selon des normes comptables nationales se trouvent en Allemagne.

Ainsi, bien que les établissements concernés n’aient, par définition, qu’une faible activité transfrontière, ces divergences sont potentiellement source de distorsion d’appréciation des risques, voire de concurrence, entre les systèmes appliquant les normes IFRS et les autres.

Jean-François Rapin

Entre 2016 et 2021, la BCE a mené un très conséquent examen des modèles internes, le projet TRIM (Targeted Revision of Internal Model).
De quoi s’agit-il ?
Pour mesurer les risques et déterminer si elle respecte les exigences de fonds propres, une banque peut utiliser soit l’approche standard définie par les instances de réglementation soit un modèle interne qui doit cependant recevoir l’autorisation expresse de l’autorité de surveillance. Ces modèles internes sont des approches statistiques utilisées très fréquemment, notamment en Europe, pour déterminer le montant des besoins de fonds propres des banques.
La pratique des modèles internes est au cœur des discussions concernant la mise en œuvre en Europe du dernier volet du paquet des réformes dites de « Bâle III ». Une des dispositions phares en est le seuil de fonds propres ou l’« output floor » qu’une banque doit respecter quel que soit son mode de calcul, standard ou interne.
Ce taux plancher implique que le capital d’une banque ne doit pas tomber plus bas que 72,5% de ce qu’il serait s’il était mesuré avec les normes standards. Il s’agit d’éviter qu’une banque ne minimise ses risques, et donc le montant des fonds propres, lorsqu’elle les évalue par un modèle interne.

Le projet TRIM a permis de déceler des déficiences auxquelles les banques doivent remédier dans des délais imposés par la BCE. Mais il a surtout permis de confirmer le bien-fondé des modèles internes pour le calcul des exigences en fonds propres.
Au niveau agrégé, l’impact de TRIM s’est traduit par un accroissement de 12%, entre 2018 et 2021, du montant des actifs pondérés en fonction des risques et par une réduction du ratio de fonds propres des établissements de 60 points de base. Cet impact reste limité et est très variable selon les pays. Il concerne peu les banques françaises, qui en ressortent plutôt confortées avec un impact moyen sur les fonds propres de 38 points de base très en dessous de la moyenne de la zone euro.
La définition de l’« output floor » résulte plus d’un compromis politique international inspiré des pratiques et préoccupations américaines que d’une analyse fine de la réalité au sein de l’Union européenne. Il paraît dès lors indispensable de tenir compte des résultats de l’étude TRIM dans la transposition du dernier volet de « Bâle III ».

La Commission européenne a lancé une consultation publique afin de réexaminer le cadre de gestion des crises bancaires et de garantie des dépôts. Il s’agit concrètement de revoir trois textes législatifs.
Le premier est la directive relative au redressement des banques et à la résolution de leurs défaillances, qui a introduit au sein de l’Union européenne le principe du renflouement interne dit « bail-in ». Selon ce principe, la recapitalisation d’un établissement défaillant doit reposer d’abord sur ses créanciers et non plus sur les fonds publics. Les dettes dites éligibles pour le renflouement doivent être utilisées jusqu’à un montant représentant au moins 8% du passif de l’établissement. Au-delà, l’autorité nationale de résolution pourra faire appel à un fonds de résolution national que chaque État doit avoir établi.
Le deuxième est le règlement relatif au Mécanisme de résolution unique (MRU), qui a créé un régime unique pour les États de la zone euro au sein de l’union bancaire. Ce règlement a conduit, conformément aux principes de la directive, à la création d’une autorité de résolution unique ainsi que d’un Fonds de résolution unique (FRU). C’est le deuxième pilier de l’union bancaire.
Le FRU est alimenté par les contributions des banques de la zone euro. Il devrait atteindre environ 70 milliards d’euros en 2023, auxquels les établissements français auront contribué à plus de 30%. Les montants en jeu sont en hausse et très significatifs : la contribution des banques françaises est de 3,5 milliards d’euros pour 2021.
Le troisième texte qui sera revu est la directive relative aux systèmes de garantie des dépôts, qui a harmonisé la protection des déposants et imposé la création d’un fond de garantie des dépôts dans chaque État membre.
Que permet un système de résolution des défaillances bancaires ?
L’objectif de ce cadre législatif est de résoudre de façon ordonnée les défaillances bancaires sans perturber le système financier ou l’économie réelle et en minimisant le coût pour les contribuables. Ce cadre fait intervenir le superviseur, qui peut adopter des mesures d’intervention précoce en cas de difficultés et si les mesures prises par la banque dans le cadre de son plan de redressement s’avèrent insuffisantes
C’est ensuite l’autorité chargée de la résolution qui prend le relais en évaluant l’intérêt public de la banque, au regard notamment de la stabilité financière et de ses activités critiques. Si le test de l’intérêt public est négatif, la banque devrait être liquidée ; si le test est positif, la banque devrait entrer en résolution. L’autorité de résolution dispose de différents outils de résolution : la cession d’activités, la création d’établissements relais, la séparation des actifs et, enfin, le renflouement interne.
La pratique effective du renflouement interne depuis 2014 laisse encore largement à désirer. À titre d’exemple, les Norddeutsche Landesbanken ont été recapitalisées fin 2019 pour un total de 3,5 milliards d’euros. L’examen du règlement relatif au MRU revêt une importance stratégique. Approfondir et crédibiliser le cadre de résolution doit permettre en effet de lever les freins à l’établissement d’une véritable union bancaire sans modifier le cadre réglementaire existant en ce qui concerne la supervision. Cette révision doit aussi permettre de se doter des moyens de s’intéresser à la vulnérabilité de toutes les banques et non pas seulement à celle des banques les plus significatives.

Le troisième pilier de l’union bancaire n’a pas encore été créé. Il s’agit d’un mécanisme européen de garantie des dépôts, qui devrait venir en soutien des fonds de garantie des dépôts nationaux existant au sein de la zone euro. Les discussions achoppent sur la mise en œuvre de ce dernier volet depuis la proposition de la Commission, en 2015, pour un système européen de garantie des dépôts (SEGD).

Aux désaccords sur la mutualisation des fonds viennent s’ajouter des inquiétudes sur la finalité d’un système unique. Certains États membres souhaiteraient que ce système unique permette non seulement de garantir les dépôts, mais aussi de renflouer les pertes des banques par des interventions préventives.
En tout état de cause, ainsi que le préconise la BCE, avant qu’un tel système ne soit opérationnel, il est nécessaire de s’assurer d’une plus grande harmonisation des fonds de garantie au niveau national et d’une coordination renforcée au niveau européen.
Une vision pragmatique des conditions nécessaires à un accord sur la mise en place d’un système unique de garantie des dépôts appelle aussi à une revue préalable des situations des banques potentiellement bénéficiaires, exactement comme cela avait été fait lors de la mise en place de la supervision unique.

Le MSU occupe un rôle central dans le fonctionnement de la zone euro. Il repose sur un très important transfert de souveraineté.
Dans le cadre d’une supervision unique européenne, la question du contrôle démocratique se pose d’autant plus que les États sont en situation de devoir assumer une partie des conséquences financières et politiques des décisions de supervision. D’ailleurs, la nécessité pour le superviseur de rendre compte de son action figure parmi les 29 principes identifiés par le Comité de Bâle. En ce sens, le contrôle démocratique de la supervision, dans le respect du principe d’indépendance de la BCE, est un enjeu central et particulièrement sensible.
L’obligation de rendre des comptes est inscrite dans le règlement-cadre du MSU. L’article 20 prévoit que la BCE est comptable de la mise en œuvre des missions de supervision qui lui sont confiées devant le Parlement européen et le Conseil. Pour ce faire, elle rend un rapport annuel sur l’accomplissement de ses missions. À la demande du Parlement européen, le président du conseil de surveillance de la BCE prend part à une audition. La dernière audition d’Andrea Enria [président du conseil de surveillance prudentielle de la BCE] a eu lieu le 23 mars dernier.
Les modalités de contrôle par les parlements nationaux sont quant à elles précisées à l’article 21. Il est prévu soit des questions écrites soit un échange de vues « ayant trait à la surveillance des établissements de crédit de cet État membre » avec le président ou un membre du conseil de surveillance de la BCE. Nous avons interrogé le secrétaire général de l’ACPR, Dominique Laboureix, à ce sujet. Il a rappelé que la présidente du Conseil de résolution unique avait déjà été auditionnée par le Sénat et indiqué qu’il était tout à fait envisageable d’organiser une audition de M. Enria. Il s’agirait non pas d’évoquer exclusivement la surveillance des banques françaises mais bien d’échanger sur les missions globales du MSU, leurs perspectives ainsi que les enjeux que nous venons de vous présenter. Je vous propose donc, si vous en êtes d’accord, de prévoir une audition à la rentrée prochaine au Sénat, en y associant nos collègues de la commission des finances et d’examiner l’avis politique qui vous a été transmis.

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[1] Le Mécanisme de résolution unique (MRU) constitue le deuxième pilier de l’union bancaire. Il est composé du Conseil de résolution unique (CRU) et du Fonds de résolution unique (FRU). Ce dernier est destiné à intervenir en cas de défaillance d’un établissement bancaire. Alimenté par des contributions du secteur bancaire, il monte progressivement en puissance (environ 70 milliards d’euros d’ici au 31 décembre 2023, soit 1% des dépôts garantis de tous les établissements bancaires des 19 États participant à l’union bancaire). À compter de 2022, le Mécanisme européen de stabilité (MES) - fonds de sauvetage permanent de la zone euro - sera le prêteur en dernier ressort du FRU. Un troisième pilier est toujours en chantier. Il s’agit du système européen de garantie des dépôts (EDIS). La proposition soumise à discussion prévoit la mise en place d’un modèle hybride qui, en cas de défaillance bancaire, permettrait aux systèmes nationaux de garantie des dépôts d’accéder à un soutien financier supplémentaire provenant d’un mécanisme de prêts obligatoires entre systèmes nationaux couplé à un fonds de garantie au niveau central. Plusieurs États membres, dont l’Allemagne, continuent de conditionner la création d’un système européen de garantie des dépôts à une réduction préalable des risques financiers (réduction des prêts non performants, introduction d’un risque lié aux expositions bancaires à la dette souveraine). Le 17 juin, l’Eurogroupe a décidé de renvoyer à plus tard l’adoption d’un plan de travail sur l’achèvement de l’union bancaire.
[2] Directive du 26 juin 2013 concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement.
[3] Chaque établissement bancaire important est contrôlé par une équipe de surveillance conjointe, composée de personnels issus de la BCE et des autorités nationales.
[4] En France, il s’agit de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), dont un représentant siège au sein du Conseil de surveillance et du Conseil des gouverneurs, instances décisionnaires du MSU.
[5] Les établissements bancaires les plus importants sont ceux dont la valeur totale des actifs est supérieure à 30 milliards d’euros.