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Je vous souhaite la bienvenue sur ce site archive de mon mandat de sénateur des Français hors de France.

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Richard Yung
Octobre 2021

Le 9 février s’est tenu au Quai d’Orsay un colloque intitulé : « Les Français et leurs voisins. Quelle politique transfrontalière pour la France ? Enjeux pour l’Etat et les collectivités territoriales ». Il a rassemblé de nombreux acteurs de la coopération transfrontalière : des ministres et des secrétaires d’Etat, des préfets, des ambassadeurs, des parlementaires, des élus locaux, quelques représentants de la société civile (associations de travailleurs frontaliers, etc.), etc. On peut regretter l'absence de conseillers de l'Assemblée des Français de l'étranger, qui n'avaient pas été invités.

10 millions de Français métropolitains sont actuellement établis dans les régions limitrophes de nos neuf pays voisins. On estime à environ 300.000 le nombre de personnes résidant en France qui traversent quotidiennement une frontière pour aller travailler à l’étranger. En revanche, les flux en provenance des pays voisins sont beaucoup plus faibles : seulement 10.000 frontaliers étrangers viendraient, chaque jour, travailler en France.

Les enjeux liés à la coopération transfrontalière sont nombreux et touchent à des domaines très variés : emploi, santé, politique sociale, éducation, environnement, fiscalité, sécurité, culture, etc.

Une mission parlementaire sur les questions transfrontalières a été créée en décembre 2009. Composée de M. Etienne BLANC (député UMP de l’Ain), Mme Fabienne KELLER (sénatrice UMP du Bas-Rhin) et Mme Marie-Thérèse SANCHEZ-SCHMID (députée PPE au Parlement européen), elle doit remettre son rapport au gouvernement au mois d’avril.

Le secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes, M. Pierre LELLOUCHE, a ouvert le colloque en déclarant notamment : « Il faut passer d’une frontière-coupure à une frontière-couture ».

Ce colloque était organisé sous la forme de trois tables rondes.

1) L’emploi dans les régions frontalières

Première intervenante, Mme Marie-Thérèse SANCHEZ-SCHMID a indiqué que le renforcement de la coopération transfrontalière est l’un des trois objectifs de la politique européenne de développement régional pour la période 2007-2013. Les ressources budgétaires allouées à cet objectif s’élèvent à 7,75 milliards d’euros et sont financées par le Fonds européen de développement régional (FEDER). Constatant que l’on parle souvent de « concurrence déloyale » de part et d’autre des frontières, elle a insisté sur la nécessité de « créer un environnement favorable à l’emploi » dans les bassins d’emplois transfrontaliers.

M. Ramon GARCIA BRAGADO, adjoint au maire de Barcelone, a ensuite évoqué la création, en 2004, de l’Eurorégion Pyrénées Méditerranée (EPM). Ce groupement européen de coopération territoriale (GECT) associe les régions Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon, les Iles Baléares et la Généralitat de la Catalogne, soit une population d’environ 13 millions d’habitants. L’emploi transfrontalier fait partie des nombreux domaines d’action de cette entité bilatérale : réalisation d’une ligne à grande vitesse, formation professionnelle, environnement, culture, enseignement supérieur et recherche (création d’un Eurocampus).

M. Michel DELEBARRE, député-maire de Dunkerque, est intervenu en tant que président de la Mission opérationnelle transfrontalière (MOT). Créé en 1997, cet organisme piloté par la Délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires (DIACT) a pour principale mission de « faciliter l’émergence et la réalisation de projets transfrontaliers » notamment dans le cadre des projets transfrontaliers européens Interreg. D’après l’ancien ministre, les frontaliers sont davantage préoccupés par les questions liées à la vie quotidienne que par les infrastructures et le développement économique. Alors que les régions frontalières étaient naguère considérées comme des « bouts du monde », elles sont désormais le lieu où se construit l’Europe. Il a également appelé à inscrire la coopération transfrontalière à l’ordre du jour de tous les sommets avec les pays voisins. La France doit être un moteur en matière de développement de la coopération transfrontalière. Pour rééquilibrer les mouvements transfrontaliers, notre pays doit développer ses points forts. Il a enfin fait mention d’un projet de réforme de la formule juridique des GECT.

M. Jacques GERAULT, préfet de la région Rhône-Alpes, a signalé que 80.000 frontaliers traversent quotidiennement la frontière pour aller travailler en Suisse et que l’inverse est quasiment insignifiant. Ce déséquilibre s’explique principalement par le fait que les salaires et la fiscalité sont plus avantageux en Suisse, bien que les charges sociales y soient plus élevées qu’en France. Afin de pallier le déficit d’attractivité, la préfecture de région envisage de créer un régime notifié, c’est-à-dire une sorte de zone franche transfrontalière.

Du point de vue de l’ambassadeur de France à Berne, M. Alain CATTA, la coopération transfrontalière avec la Suisse est difficile car ce pays ne fait pas partie de l’UE et n’est pas organisé sur le même schéma administratif que la France (Etat confédéral vs Etat jacobin). Il a qualifié la Suisse de « passager clandestin de l’Europe » car elle négocie des accords avec Bruxelles pour chaque segment de la vie quotidienne tout en refusant – pour le moment – d’intégrer l’UE. Il a également lié le déficit d’attractivité aux différences en matière de fiscalité et de droit du travail. Pour illustrer son propos, il a cité l’exemple d’une entreprise employant 3.000 salariés – Jet aviation – qui risque de délocaliser son site de production en raison des différences touchant au temps de travail (35h en France/42h en Suisse). L’ancien directeur de la DFAE reste toutefois optimiste. Il pense en effet que le développement de Genève se fera dans les régions françaises, ce qui laisse présager un rééquilibrage des flux transfrontaliers. En outre, la coopération transfrontalière prend une importance de plus en plus grande au niveau gouvernemental (deux réunions interministérielles se sont tenues au cours des derniers mois). Il a également fait référence à la mise en service, d’ici à 2015, de la liaison ferroviaire Annemasse-Genève (CEVA). Ce projet – qui date de 1912 ! – vise à répondre aux besoins liés à l’accroissement de la mobilité transfrontalière.

Pour sa part, l’ambassadeur d’Allemagne à Paris, M. Reinhard SCHÄFERS, a présenté certains engagements pris à l’occasion du conseil des ministres franco-allemand (CMFA) du 4 février dernier. Nos deux pays se sont engagés à « approfondir la coopération transfrontalière franco-allemande dans le domaine de la santé afin d’assurer des soins médicaux de qualité de façon égale à tous les habitants des régions frontalières ». Paris et Berlin ont également affirmé leur soutien au projet de région métropolitaine du Rhin supérieur comme « modèle de coopération transfrontalière européenne ». Autre initiative intéressante : la mise en place du premier projet de démonstration transfrontalier à l’échelle mondiale dans la région entre Strasbourg et Stuttgart/Mannheim/Karlsruhe autour du véhicule électrique (projet « e-mobility »).

2) La vie quotidienne des frontaliers

Lors de la seconde table ronde, Mme Fabienne KELLER a tenu à rappeler que de nombreuses initiatives transfrontalières fonctionnent, citant notamment l’exemple de l’Eurodistrict Strasbourg-Ortenau, créé en 2005. Pour autant, les « fractures juridiques » ne doivent pas entraîner des « fractures entre les citoyens ». A noter que 60.000 personnes résidant en Alsace traversent quotidiennement la frontière pour aller travailler en Allemagne.

Après avoir rappelé que la Sarre est la principale région d’accueil des travailleurs frontaliers lorrains après le Luxembourg, M. Stephan TOSCANI, ministre de l’Intérieur et des affaires européennes du land de Sarre, a présenté quelques exemples de coopération transfrontalière entre la Sarre et la Lorraine, dont la récente convention sur les secours d’urgence (2008).

M. Paul BREYNE, gouverneur de la province de Flandre occidentale, a ensuite fait un bref rappel historique : jusque dans les années 1960, les frontaliers belges travaillant en France étaient plus nombreux que les frontaliers français travaillant en Belgique. Ces derniers représentent aujourd’hui 25.000 personnes. La coopération transfrontalière franco-flamande est « exemplaire ». De nombreux accords bilatéraux ont été signés, notamment dans le domaine sanitaire : convention de zone organisée d'accès aux soins transfrontaliers (ZOAST), convention en matière d'aide médicale urgente, etc. La coopération est cependant imparfaite (absence de transports publics transfrontaliers) et compliquée par la barrière linguistique et les distorsions fiscales. Il a indiqué que le régime fiscal des travailleurs frontaliers – qui permet à un salarié exerçant son activité dans la zone frontalière d’être imposé dans son Etat de résidence sur les revenus de son activité – a récemment été modifié avec une période transitoire de 22 ans. Dans le domaine de l’enseignement supérieur, il a signalé l’existence d’un projet de cofinancement de masters franco-belges. Enfin, il a soulevé la question du cofinancement, à moyen terme, des maisons de retraite belges qui se trouvent dans la zone frontalière. De nombreux retraités français résident en effet dans ces établissements et leur nombre pourrait prochainement dépasser celui des retraités belges.

Notre ambassadeur à Berlin, M. Bernard de MONTFERRAND, a complété les propos de son homologue allemand en signalant qu’un accord relatif au régime matrimonial franco-allemand a été signé à l’occasion du dernier conseil des ministres conjoint. Il a également estimé que les problématiques transfrontalières devraient toujours être appréhendées sous l’angle de l’aménagement du territoire (relations entre les pôles de compétitivité, etc.).

Seul représentant de la société civile invité à participer à une table ronde, M. CHARRAT, président d’une association de défense des droits des travailleurs frontaliers, a rappelé que la cohésion sociale et territoriale est la condition principale de la mobilité transfrontalière. Il a aussi exprimé son souhait de voir la mise en place d’un préfet transfrontalier dans chaque région limitrophe qui serait chargé de négocier avec les autorités étrangères au nom de tous les acteurs concernés par la coopération transfrontalière.

3) La gouvernance nationale et européenne des questions transfrontalières

Ouvrant la dernière table ronde, M. André ROSSINOT, maire de Nancy, a déploré l’absence de stratégie française en matière de coopération transfrontalière avant d’appeler les collectivités territoriales à partager les bonnes pratiques et l’Etat à créer un partenariat avec les acteurs locaux dans le cadre de la réforme des collectivités territoriales.

M. Jean-Marie HALSDORF, ministre luxembourgeois à la Grande Région, estime que la coopération transfrontalière avec la France est plus difficile que la coopération avec la Belgique ou l’Allemagne en raison notamment du grand nombre d’interlocuteurs (préfets, élus locaux, parlementaires, etc.). La Grande Région est une entité transfrontalière qui regroupe la Lorraine, le Luxembourg, la Rhénanie-Palatinat, la Sarre, la Région wallonne, la Communauté française de Belgique et la Communauté germanophone de Belgique, soit une population de plus de 11 millions d’habitants, dont 80.000 frontaliers français qui travaillent au Luxembourg. Le 26 janvier dernier, M. HALSDORF a signé une convention créant une commission franco-luxembourgeoise pour le renforcement de la coopération transfrontalière.

Comparant la taille du code du travail français (1.500 pages) avec celle du code du travail suisse (15 pages), M. François LONGCHAMP, président du Conseil d’Etat du Canton de Genève, a indiqué que les obstacles liés au droit du travail sont plus handicapants que ceux liés à la fiscalité.

D’après le secrétaire d’Etat espagnol pour la planification et les infrastructures, M. Victor MORLAN GRACIA, la coopération franco-espagnole entre collectivités territoriales est plus facile que la coopération intergouvernementale. Pour autant, la coopération transfrontalière au niveau local est freinée par les différences d’organisation territoriale (les provinces autonomes espagnoles ont en effet davantage de pouvoirs que les régions françaises). En outre, il a indiqué que le gouvernement espagnol souhaiterait connaître les perspectives françaises en matière de coopération transfrontalière.

Enfin, après avoir rappelé que les zones frontalières sont les plus dynamiques (faible taux de chômage, etc.), M. Etienne BLANC a pointé du doigt les deux principales lacunes de la coopération transfrontalière : la multiplicité des interlocuteurs au niveau local et l’organisation hypercentralisée de l’Etat. Il a ensuite présenté les premières pistes de réflexion de la mission parlementaire pour remédier à ces problèmes : mise en place d’un schéma d’organisation de services transfrontalier (amélioration de l’organisation territoriale pour avoir un interlocuteur unique en direction de nos voisins) ; création de zones à statut spécial (zones dédiées avec possibilité d’adopter le droit du pays voisin).

En conclusion du colloque, M. LELLOUCHE a reconnu qu’il n’existe pas de gouvernance au plan national sur les questions transfrontalières et que les projets de coopération reposent sur les seuls acteurs locaux. Depuis la publication, en 1996, du rapport[1] de M. Jean UEBERSCHLAG, député du Haut-Rhin, « rien n’a bougé ». Il a cependant estimé que l’« on est sur la bonne voie ». Pour améliorer l’attractivité des zones frontalières françaises, le secrétaire d’Etat a rejeté l’idée de créer « un système rigide » tout en souhaitant que l’on applique le principe de subsidiarité – à condition cependant de créer une structure interministérielle au niveau central – afin de permettre aux collectivités territoriales d’adapter le droit – en particulier le droit du travail – dans certaines régions transfrontalières. Enfin, il a annoncé le lancement, après les élections régionales, d’une consultation citoyenne sur les questions transfrontalières qui prendra la forme d’un livre ouvert.


[1] La coopération transfrontalière. De la nécessité d'élaborer et de mettre en œuvre un véritable politique transfrontalière, Rapport au Premier ministre, 1996.