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Richard Yung
Octobre 2021

Séance du 29 avril 2008

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, auteur de la question n° 199, adressée à M. le ministre des affaires étrangères et européennes.

M. Richard Yung. Ma question porte sur les conditions d’embauche et d’emploi des agents contractuels recrutés par le ministère des affaires étrangères et européennes.

J’essaie d’être positif, et je prends acte du fait que la loi du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique a eu des effets bénéfiques pour ces personnels contractuels, du moins pour une partie d’entre eux, en particulier s’agissant de ce que l’on désigne sous le terme barbare de « cé-dé-isation », c’est-à-dire l’octroi d’un contrat à durée indéterminée.

Cependant, je constate aussi avec regret que les agents non titulaires du ministère continuent d’être considérés comme une simple variable d’ajustement. La précarité de leurs emplois demeure une réalité. Certains de ces personnels continuent d’être remplacés par d’autres agents contractuels sur des emplois permanents, ce qui est une aberration en termes de gestion du personnel dans la fonction publique.

À titre d’exemple, un attaché de presse en poste aux États-Unis qui a été remplacé par un autre agent non titulaire a déposé un recours auprès du juge administratif.

À l’administration centrale, à Paris, un agent s’est récemment vu contraint, avant d’aller pointer au chômage, de recevoir le contractuel désigné pour le remplacer.

En Égypte, un agent qui était employé sous contrat à durée déterminée a pris connaissance d’un télégramme diplomatique annonçant l’arrivée d’un nouveau contractuel appelé à lui succéder.

Par ailleurs, la rémunération de ces personnels contractuels est souvent inférieure à celle des agents titulaires de qualification équivalente exerçant des fonctions analogues : c’est donc une sorte de « lumpenprolétariat » que l’on utilise pour réduire la masse salariale. Tel est le cas notamment de nombreux conseillers de coopération et d’action culturelle, les COCAC, qui mènent la politique d’action culturelle de la France dans les ambassades.

Leurs conditions de rémunération manquent également de transparence. On peut s’interroger, par exemple, sur les raisons pour lesquelles un agent recruté en 1984 n’a pas pu bénéficier d’une revalorisation de sa rémunération indiciaire depuis 1998, c’est-à-dire depuis dix ans.

En outre, la fragilité de leur emploi est entretenue par le maintien d’une période d’essai pour les contrats de renouvellement. Dès lors, ils se trouvent dans cette situation étonnante où ils doivent refaire une période d’essai au début de leur second contrat, ce qui signifie que l’on n’a pas vraiment de jugement sur la qualité de leur travail à l’issue de leur premier contrat.

Quant aux critères qui fondent le passage d’un contrat à durée déterminée à un contrat à durée indéterminée, ils sont particulièrement flous.

Par conséquent, monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais savoir si le Gouvernement entend définir un véritable cadre de gestion des agents non titulaires, en en discutant notamment avec les associations représentatives des personnels et les syndicats. En particulier, est-il envisagé d’instaurer une véritable grille des salaires et de rendre plus transparentes les conditions d’embauche ?

D’une façon plus générale, pourriez-vous nous indiquer quelles conclusions le Gouvernement entend tirer de la publication du Livre blanc sur l’avenir de la fonction publique ? Si l’on fait abstraction de la proposition critiquable et étonnante de renforcer le recours aux contrats de droit privé dans la fonction publique, il me semble que le document présenté contient des propositions dont la mise en œuvre permettrait d’améliorer la situation des agents non titulaires. Il serait par exemple intéressant de les faire bénéficier des mêmes modalités d’évaluation, d’affectation et de rémunération fonctionnelle que les titulaires.

Sur tous ces sujets, monsieur le secrétaire d’État, les agents contractuels, qui forment une part importante du personnel du ministère des affaires étrangères et européennes, attendent des réponses précises.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Éric Besson, secrétaire d'État chargé de la prospective, de l'évaluation des politiques publiques et du développement de l'économie numérique. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser M. Bernard Kouchner, qui, comme Mme la garde des sceaux, se trouve aujourd'hui en Tunisie avec M. le Président de la République.

Votre question porte sur les conditions d’embauche et la situation des agents contractuels recrutés au sein du ministère des affaires étrangères et européennes.

Il convient de rappeler en premier lieu que c’est la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État qui, aux termes de son article 4, limite le recrutement des agents contractuels sur des emplois permanents de l’État à des cas très restrictifs : lorsqu’il n’existe pas de corps de fonctionnaires susceptibles d’assurer les fonctions correspondantes ; pour les emplois du niveau de la catégorie A et, dans les représentations de l’État à l’étranger, des autres catégories, lorsque la nature des fonctions ou le besoin le justifient.

Les postes permanents de l’État ont, en effet, vocation à être pourvus par des titulaires. C’est la raison pour laquelle il n’est pas possible, à ce jour, de recruter directement sous contrat à durée indéterminée.

C’est d’ailleurs pour limiter le recours abusif à des agents contractuels que la loi dite « Dutreil » du 26 juillet 2005 a imposé à l’administration de conclure un CDI au-delà d’une durée de six années de contrats successifs.

Pour sa part, le ministère des affaires étrangères et européennes a mis en place une procédure dite de « cé-dé-isation » d’agents contractuels dont il souhaite s’attacher les services de manière permanente, au regard non seulement de la qualité des services rendus dans leurs fonctions, mais aussi de l’appréciation plus globale de l’intérêt du service à plus long terme.

Au total, plus de 310 personnes ont obtenu un contrat à durée indéterminée depuis l’entrée en vigueur de la loi Dutreil.

Autre innovation spécifique au ministère des affaires étrangères et européennes, ces personnes ont désormais vocation à être gérées comme des titulaires du département en termes de mobilité professionnelle et géographique.

La rémunération des agents sous contrat à durée déterminée recrutés en administration centrale fait par ailleurs désormais l’objet d’une procédure de cotation préalable du poste de travail. La fourchette financière de rémunération pour chaque poste est fixée en tenant compte des fonctions proposées, du niveau de responsabilité, du profil de l’agent recherché et de l’expérience professionnelle.

Depuis le 1er janvier 2007, aucun agent contractuel recruté sous CDD en administration centrale n’a, de fait, été recruté avec un niveau rémunération inférieur, primes incluses, à un agent titulaire exerçant des fonctions comparables.

Lorsque des compétences techniques spécifiques sont recherchées, la rémunération est même fixée par référence aux rémunérations pratiquées sur le marché du travail. Cette fourchette de rémunération figurant dans toutes les offres d’emploi publiées avant recrutement, c’est donc en pleine connaissance de cause que les candidats peuvent contacter la direction des ressources humaines du ministère.

Enfin, la décision finale de recrutement qui valide la rémunération est prise sur avis d’une commission de recrutement où sont représentés les services de la direction des ressources humaines, le contrôleur financier et les services employeurs. Cette nouvelle procédure a au total permis de mieux ajuster les qualifications des agents aux fonctions réellement exercées.

Par ailleurs, la mention d’une période d’essai sur le contrat de renouvellement est maintenue lorsque l’agent est amené à changer de fonctions. En revanche, elle ne figure plus – sauf erreur matérielle – sur les contrats de renouvellement pour les mêmes fonctions. En tout état de cause, une telle mention n’a jamais été utilisée pour rompre un contrat qui avait été renouvelé.

Les syndicats et les associations représentatives de ces agents contractuels ont été étroitement associés à la réflexion menée pour remédier aux difficultés constatées dans le passé. Cette réflexion commune a été conduite dans le cadre d’un groupe de travail qui s’est réuni quatre fois depuis mai 2007 et elle a porté sur cinq thèmes préalablement identifiés : les effectifs, le recrutement, les modalités de gestion, la fin de contrat-reconversion et le dialogue social.

Des progrès significatifs ont pu être réalisés, par exemple en matière de représentation paritaire, l’administration du ministère continuant à travailler à l’amélioration des conditions de travail et de rémunération de tous les agents, en association étroite avec les organisations syndicales et les associations représentatives des personnels.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Je souhaite simplement apporter deux commentaires à la réponse de M. le secrétaire d’État.

En premier lieu, je prends acte, je le redis, d’un certain nombre de progrès, dus en particulier à la loi Dutreil, et je me réjouis que de nouvelles procédures permettent d’effectuer les recrutements dans la clarté et la transparence quant aux critères d’embauche, de rémunération et d’emploi. Tout cela va dans le bon sens.

En second lieu, vous avez indiqué, monsieur le secrétaire d’État, que 310 personnes au total avaient bénéficié de ces nouvelles mesures. Permettez-moi de rappeler que, sur les 16 000 agents employés par le Quai d’Orsay, 4 000 sont des contractuels d’administration centrale et 5 600 des contractuels locaux. Près de 10 000 personnes sont donc concernées : améliorer la situation de quelque trois cents d’entre elles, c’est bien, mais il faut encore faire un effort !