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Richard Yung
Octobre 2021

Je suis intervenu le mardi 15 janvier 2007 au nom du Groupe socialiste en séance publique dans la discussion générale sur le Projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation et modifiant ou abrogeant diverses dispositions relatives à la filiation.

M. Richard Yung. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le texte que nous examinons actuellement est un projet de loi de ratification de l'ordonnance du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation et modifiant ou abrogeant diverses dispositions relatives à la filiation.

Une première remarque vient aussitôt à l'esprit : pourquoi avoir procédé par voie d'ordonnance ? C'est un débat ancien, puisqu'il remonte à trois ans, mais avouez que la technique est assez curieuse, sur un sujet aussi fondamental touchant la société, qui mérite un débat approfondi, dans le pays et devant le Parlement. Il fallait que cette remarque soit faite pour l'avenir.

Vous avez rappelé, monsieur le rapporteur, que la ratification de cette ordonnance, à l'exception d'une disposition relative à la dévolution du nom de famille, a déjà été votée par le Parlement lors de l'examen du texte qui est devenu la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs. Malheureusement - ou plutôt, heureusement ! -, l'article qui procédait à cette ratification a été censuré par le Conseil constitutionnel, au motif qu'il constituait un « cavalier ». Au fond, cette censure nous permet d'avoir un débat, même court, et c'est une bonne chose !

Il est nécessaire de faire évoluer le droit de la filiation et de la famille pour qu'il suive et encadre la vie de la société. La conception de la famille et la définition des relations en son sein figurent parmi les aspects de notre vie sociale qui se sont le plus transformés au cours des cinquante dernières années.

Si je me reporte à ma jeunesse, il y a cinquante ans, dans mon petit village de Touraine, un enfant né hors mariage était montré du doigt, une femme qui avait eu un enfant hors mariage était ostracisée. On ne parlait de ces choses-là qu'à voix basse : une sorte d'opprobre social couvrait toutes ces questions. Une grande variété de douleurs en a résulté pendant de longues années.

Les choses ont évolué, d'abord lentement, puis plus rapidement, avec l'interruption volontaire de grossesse, la création du pacte civil de solidarité, la conception pour autrui - même si elle est interdite en France -, les tests ADN, etc. En même temps, la famille est restée une valeur centrale de notre société, peut-être la plus fondamentale, même après l'évolution des moeurs et des mentalités qui a suivi mai 68.

Dans notre société qui vit en partie dans la crainte - en particulier pour les jeunes générations -, dans notre société de plus en plus individualiste, orientée vers le résultat et le profit, la famille reste l'élément central autour duquel se retrouvent notamment les enfants. Le tête-à-tête entre les parents et les enfants est devenu aujourd'hui une relation curieusement inversée : ce sont les parents qui aident leurs enfants, même majeurs.

Nous devons trouver le bon équilibre entre cette évolution extrêmement rapide des moeurs et de la conception des liens du couple et l'importance centrale qui reste attachée au mariage. Le Parisien libéré de ce matin nous annonce que le nombre de naissances en France n'a jamais été aussi élevé : on a encore enregistré près de 820 000 naissances en 2007. Mais l'article ajoute que, pour la première fois, le nombre d'enfants nés dans les liens du mariage est inférieur à celui des enfants nés hors mariage, ces enfants qu'on appelait autrefois les « enfants du péché »

Selon ce même article, nous sommes passés de 6 % de naissances hors mariage à 50 % en quarante ans : telle est la rapidité et l'importance de l'évolution !

S'agissant du droit de la filiation, il se caractérisait, avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance, par une complexité qui le rendait souvent inintelligible pour un non-juriste comme moi - et c'est encore le cas aujourd'hui. Je pense par exemple au tableau des règles de contestation en matière de filiation figurant dans le rapport, qui laisse absolument rêveur !

En effet, le droit de la filiation reposait sur la distinction entre la filiation légitime, fondée sur le mariage, et la filiation naturelle, liée à la naissance hors mariage, avec des règles d'établissement et de contestation différentes. La préférence donnée à la famille fondée sur le mariage par le code civil de 1804, qui correspondait encore à la conception générale il y a quelque temps, s'était traduite par l'établissement d'une hiérarchie entre les enfants. L'enfant naturel simple né de parents tous deux célibataires avait des droits inférieurs à ceux de l'enfant légitime né de parents mariés entre eux, à l'église et devant M. le maire, tandis qu'était interdit l'établissement de la filiation des enfants adultérins ou incestueux.

Cette hiérarchie entre enfants naturels et enfants légitimes a été progressivement abolie. Ainsi, la loi du 3 janvier 1972 sur la filiation a marqué une première étape dans ce processus en posant le principe de l'égalité des filiations et en permettant l'établissement de la filiation adultérine à l'égard du parent marié.

Le gouvernement de Lionel Jospin, avec la loi du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins et modernisant diverses dispositions de droit successoral, a mis fin à toute différence de traitement entre enfants naturels simples et enfants adultérins, en supprimant les différentes dispositions du code civil qui organisaient cette discrimination.

Enfin, la loi du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale a posé le principe selon lequel tous les enfants dont la filiation est légalement établie ont les mêmes droits et les mêmes devoirs dans leurs rapports avec leur père et leur mère. Ils entrent dans la famille de chacun d'eux.

Du fait de cette égalisation des droits des enfants, la distinction entre filiation légitime et filiation naturelle devenait sans objet.

Par ailleurs, la différence de traitement entre la femme non mariée et la femme mariée pour l'établissement non contentieux de la filiation maternelle s'était avérée contraire à la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. De plus, les conditions d'établissement de la possession d'état n'étaient pas suffisamment encadrées.

Le dispositif qui a été retenu par le Gouvernement au travers de l'ordonnance est conforme aux objectifs que nous nous étions fixés. Ainsi, sont rappelés le principe d'égalité entre enfants et l'interdiction d'établir un double lien de filiation en cas d'inceste absolu, encore que l'on puisse penser qu'il faille réfléchir plus avant sur ce point, car on peut se demander si, dans certaines hypothèses, cette interdiction de la double filiation en cas d'inceste est une bonne ou une mauvaise chose. (M. le président de la commission des lois s'étonne.)

En effet, c'est une façon de jeter un voile hypocrite sur ce qui est une réalité. Certes, il s'agit là d'un tabou absolu dans la société, mais un article paru dans l'édition de samedi dernier du Parisien révèle que deux jumeaux britanniques, un frère et une soeur, séparés à la naissance et élevés par des familles adoptives différentes, se sont mariés sans connaître leur lien de parenté, un juge de la High Court ayant ensuite prononcé la nullité de cette union. C'est là, heureusement d'ailleurs, un cas un peu particulier, je le reconnais, mais je pense qu'il y a une réflexion à mener sur ce point.

S'agissant des preuves et de la présomption de la filiation, l'ordonnance visait à une plus grande sécurité juridique et n'a pas changé les règles relatives à l'assistance médicale et à la procréation.

En revanche, pour ce qui est de la dévolution du nom de famille, on peut regretter que des difficultés persistent. Je me réjouis, à cet égard, du dépôt par M le rapporteur d'un amendement tendant à les résoudre ; j'espère que nous l'adopterons.

L'ordonnance a également unifié les conditions d'établissement de la filiation maternelle et maintenu la présomption de paternité du mari. S'agissant de l'établissement de la filiation, je me félicite de ce qu'ait été retenu le mode d'établissement par la possession d'état, encadré par des règles de sécurité plus strictes.

Enfin, en ce qui concerne le régime des actions en justice relatives à la filiation, je constate qu'un équilibre a été trouvé entre la composante biologique et la composante affective ou sociale qui fondent le lien de filiation, la difficulté étant de ne pas verser dans le « tout biologique ». C'est là une tendance assez naturelle : on pense que, par l'établissement d'un test, on résout les problèmes, or nous savons tous qu'un enfant c'est d'abord de l'amour. Quelqu'un qui s'occupe au quotidien d'un enfant mérite tout autant le titre de père ou de mère que son parent biologique, notamment au regard de la possession d'état.

Par ailleurs, M. de Richemont a présenté, à la fin de son rapport, un certain nombre de pistes de réflexion pour l'avenir. Je suis d'accord avec lui s'agissant, en particulier, du régime de l'accouchement sous X ou de la maternité pour autrui. Celle-ci est aujourd'hui prohibée en France, mais on sait qu'il suffit de franchir la frontière pour trouver des officines qui la proposent dans des conditions discutables. Que fait-on à cet égard ?

M. le rapporteur a en outre évoqué la question des reconnaissances prénatales. De manière générale, c'est probablement une bonne chose. On peut imaginer que, dans la très grande majorité des cas, c'est le fait d'un conjoint qui vit avec la future mère et veut clarifier les choses.

M. Jean-Jacques Hyest,président de la commission des lois. Bien sûr !

M. Richard Yung. De ce point de vue, cela est positif. Cependant, il peut aussi s'agir, dans certains cas, d'une manoeuvre visant à nuire à la famille ou à la mère. Des abus sont donc possibles, et il faut peut-être encadrer le dispositif sur ce plan.

M. Jean-Jacques Hyest,président de la commission des lois. D'où l'amendement de M. de Richemont !

M. Richard Yung. En tout état de cause, le groupe socialiste approuve, pour l'essentiel, cette réforme sur le fond, en regrettant, il faut tout de même que je le dise, que l'on ait procédé par voie d'ordonnance.