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Je vous souhaite la bienvenue sur ce site archive de mon mandat de sénateur des Français hors de France.

Mandat que j'ai eu l'honneur de faire vivre de 2004 à 2021.
Ce site est une image à la fin de mon mandat.
Vous y trouverez plus de 2 000 articles à propos des Français de l'étranger. C'est un véritable témoignage de leur situation vis-à-vis de l'éducation, de la citoyenneté, de la protection sociale, de la fiscalité, etc. pendant ces 17 années.

Je me suis retiré de la vie politique à la fin de mon mandant en septembre 2021, je partage désormais mes réactions, points de vue, réflexion sur https://www.richardyung.fr

Merci de votre visite.

Richard Yung
Octobre 2021

Le 3 février, le Sénat a adopté, en deuxième lecture, une version totalement dénaturée du projet de loi relatif à la bioéthique.

Sans surprise, les débats les plus houleux - et confus - ont porté sur l’ouverture de l’accès à l’assistance médicale à la procréation (AMP) aux couples de femmes et aux femmes non mariées. La mesure phare du projet de loi consiste en la suppression du critère médical aujourd’hui requis pour bénéficier de l’AMP. La majorité sénatoriale l’a supprimée après l’avoir vidée de sa substance (maintien du critère médical d’accès à l’AMP pour les couples hétérosexuels, octroi du bénéfice de la prise en charge des actes d’AMP par la sécurité sociale aux seuls couples hétérosexuels, exclusion des femmes célibataires de l’extension de l’AMP, autorisation de l’AMP post-mortem, interdiction du double don de gamètes, etc.).
Elle sera rétablie par l’Assemblée nationale, qui aura également à revenir sur les modifications relatives à la filiation des enfants nés du recours à une AMP. Alors que les députés souhaitent que la filiation soit établie par une reconnaissance conjointe anticipée devant le notaire, la majorité sénatoriale a adopté un amendement visant à obliger la mère qui n’a pas accouché à faire une demande d’adoption. Elle a par ailleurs supprimé la disposition tendant à ouvrir rétroactivement le bénéfice de la reconnaissance conjointe aux couples de femmes ayant eu recours à une AMP à l’étranger avant l’entrée en vigueur de la loi.

Pour ce qui concerne l’autoconservation de gamètes à des fins de prévention de l’infertilité, la majorité sénatoriale a supprimé le dispositif adopté par l’Assemblée nationale. Le désaccord porte sur le consentement du conjoint au don de gamètes et les conditions d’âge pour bénéficier d’une autoconservation.

Un autre point de divergence concerne l’accès aux origines personnelles. Le projet de loi tend à autoriser les personnes nées d’une AMP avec don de gamètes ou d’embryons à accéder, à leur majorité, aux données non identifiantes et à l’identité du donneur. Il tend également à permettre aux personnes nées d’une AMP avant l’entrée en vigueur de la loi de solliciter le consentement des donneurs.
Contrairement à l’Assemblée nationale, la majorité sénatoriale souhaite, au nom du respect de la vie privée, que le donneur soit consulté au moment de la demande de communication de son identité et puisse s’y opposer. Elle souhaite également que les missions relatives à l’exercice du droit d’accès aux origines personnelles soient confiées au Conseil national de l’accès aux origines personnelles (CNAOP), et non à une commission ad hoc.

Considérant, à tort, que la jurisprudence de la Cour de cassation ouvre la voie à la reconnaissance de la gestation pour autrui (GPA), la majorité sénatoriale a adopté une disposition visant à interdire la transcription totale d’un acte de naissance ou d’un jugement étranger établissant la filiation d’un enfant né d’une GPA lorsqu’il mentionne comme mère une autre femme que celle qui a accouché ou deux pères.
Si un tel dispositif était définitivement adopté, il marquerait un retour en arrière inacceptable. Il aurait en effet pour conséquence d’obliger tous les parents d’intention à adopter leur enfant en vue de l’établissement d’un lien de filiation. Or, dans ses arrêts du 18 décembre 2019, la Cour de cassation a rappelé que l’introduction d’une procédure d’adoption est parfois « impossible ou inadaptée à la situation des intéressés ». Une transcription complète de l’acte de naissance ou du jugement étranger peut donc s’avérer nécessaire dans certains cas tels que le décès du parent biologique ou un divorce. La Cour de cassation a par ailleurs conditionné la transcription au fait que les actes de l’état civil étrangers soient réguliers, exempts de fraude et conformes au droit de l’État dans lequel ils ont été établis.
Un bon équilibre a été trouvé entre l’interdiction de la GPA et l’intérêt supérieur de l’enfant. Le législateur ne saurait le remettre en question sous prétexte de vouloir sanctionner les parents ayant recouru à la GPA ou dissuader ceux qui envisagent de recourir à cette technique de procréation. En s’acharnant à vouloir contrecarrer la jurisprudence dégagée par la Cour de cassation, la majorité sénatoriale fait courir le risque d’une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de l’enfant. Ce faisant, elle fait également courir à la France le risque d’une nouvelle condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), qui a jugé que le lien de filiation doit pouvoir être établi à l’égard du parent d’intention.
Je refuse que des enfants nés d’une GPA pratiquée à l’étranger soient à nouveau plongés dans l’insécurité juridique. Ces enfants ne sont pas responsables de leur mode de conception. Ils ne doivent donc faire l’objet d’aucune discrimination. C’est pourquoi j’ai voté pour les amendements tendant à supprimer le dispositif introduit par la majorité sénatoriale. Ces amendements n’ont malheureusement pas été adoptés.

L’Assemblée nationale et le Sénat divergent également sur le don d’organes post mortem. La majorité sénatoriale n’est pas favorable à la présomption de consentement pour les personnes majeures faisant l’objet d’une protection juridique avec représentation relative à la personne. Selon le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles, Adrien Taquet, l’exclusion des personnes protégées du droit commun du don d’organes post mortem irait à l’encontre de l’objectif consistant à favoriser l’autonomie de ces personnes. Elle serait par ailleurs inopportune dans le contexte actuel de pénurie d’organes. En 2020, vingt-sept personnes protégées ont donné leurs organes, soit 10% du total.

S’agissant du don du sang, les deux chambres sont favorables à son ouverture aux majeurs faisant l’objet d’une mesure de protection juridique avec représentation relative aux biens et assistance. En revanche, son ouverture aux mineurs de 17 ans n’emporte par l’adhésion de l’Assemblée nationale.

Lors de la première lecture du projet de loi, le Sénat avait adopté un amendement du Gouvernement tendant à encadrer le don de corps à des fins d’enseignement médical et de recherche. L’objectif est de tirer les conséquences du scandale du charnier de l’université Paris-Descartes. Le consentement du donneur devra être exprimé par écrit. De plus, les majeurs protégés bénéficiant d’une mesure de protection avec représentation relative à la personne seront exclus du don de corps. Quant aux centres de don de corps, ils devront être titulaires d’une autorisation délivrée par le ou les ministres de tutelle. Les conditions d’ouverture, d’organisation et de fonctionnement de ces établissements seront définies par décret en Conseil d’État. Ce décret précisera notamment les conditions de restitution des corps. Contrairement à l’Assemblée nationale, la majorité sénatoriale souhaite que les dispositions réprimant l’atteinte à l’intégrité du cadavre soient applicables aux recherches et enseignements effectués sur un corps donné à cette fin.

Parmi les points de convergence entre l’Assemblée nationale et le Sénat figurent :

  • l’extension du don croisé d’organes, qui pourra désormais concerner jusqu’à six paires de donneurs et de receveurs dans un délai de vingt-quatre heures ;
  • la réalisation d’examens des caractéristiques génétiques sur une personne décédée ou hors d’état d’exprimer sa volonté au profit des membres de sa famille (consentement présumé de la personne concernée, possibilité pour l’entourage du patient de faire valoir un droit d’opposition) ;
  • la précision des conditions dans lesquelles une information relative à une anomalie génétique, découverte à l’occasion de l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne, peut être transmise à ses apparentés ou aux personnes avec lesquelles elle entretient un lien de filiation biologique dans le cadre d’une AMP ou d’un accouchement sous le secret ;
  • la possibilité pour une personne d’être informée, sous réserve de son consentement exprès, de la découverte de caractéristiques génétiques incidentes ou secondaires, sans relation avec l’indication initiale de l’examen mais susceptibles de permettre à la personne ou aux membres de sa famille de bénéficier de mesures de prévention ou de soins ;
  • l’encadrement du recours à un traitement algorithmique de données massives à des fins médicales ;
  • la modification des conditions de conservation des embryons surnuméraires conçus dans le cadre d’une AMP (la durée maximale de conservation des embryons cédés à la recherche est fixée à cinq ans) ;
  • le développement des « passerelles soin/recherches » (assouplissement des conditions dans lesquelles des recherches recourant à des examens génétiques peuvent être réalisées à partir d’échantillons biologiques prélevés initialement à d’autres fins) ;
  • l’assouplissement de la technique du double diagnostic préimplantatoire, qui « peut dans certaines situations exceptionnelles et strictement encadrées sur le plan éthique apporter une solution à des familles et sauver la vie d’enfants atteints de maladies rares » ;
  • la suppression de l’obligation de proposer un délai de réflexion d’au moins une semaine en cas d’interruption médicale de grossesse (IMG) motivée par une pathologie fœtale ;
  • l’amélioration de la prise en charge des enfants présentant une variation du développement génital (ces enfants seront systématiquement orientés vers les centres de référence des maladies rares du développement génital, en vue d’y être pris en charge après concertation d’équipes pluridisciplinaires spécialisées) ;
  • la sécurisation de l’utilisation du microbiote fécal (encadrement du recueil de selles d’origine humaine destinées à une utilisation thérapeutique).

Les dispositions qui n’ont pas été adoptées dans les mêmes termes par les deux assemblées seront prochainement soumises à une commission mixte paritaire (CMP) réunissant sept députés et sept sénateurs. Les positions de l’Assemblée nationale et du Sénat étant irréconciliables sur de nombreux points, cette CMP est vouée à l’échec. Une nouvelle lecture aura donc lieu dans les deux chambres avant que le dernier mot ne revienne aux députés.