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Je vous souhaite la bienvenue sur ce site archive de mon mandat de sénateur des Français hors de France.

Mandat que j'ai eu l'honneur de faire vivre de 2004 à 2021.
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Je me suis retiré de la vie politique à la fin de mon mandant en septembre 2021, je partage désormais mes réactions, points de vue, réflexion sur https://www.richardyung.fr

Merci de votre visite.

Richard Yung
Octobre 2021

Le 7 avril, j’ai participé, dans le cadre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à l’audition d’Ihara Junichi, ambassadeur du Japon en France.

Après que M. Junichi a dressé un état des lieux du « partenariat d’exception » qui unit la France et le Japon (coopération dans l’espace indopacifique, transition écologique, transition numérique), je l’ai interrogé sur le drame des enfants franco-japonais privés de tout lien avec leur parent français.

SE M. Ihara Junichi, ambassadeur du Japon en France. - Merci monsieur le Président, mesdames et messieurs les sénateurs, tout d’abord, je tiens à vous remercier de m’avoir donné l’occasion de m’exprimer devant vous. C’est un grand honneur pour moi en tant qu’ambassadeur du Japon d’être invité au Sénat, surtout dans cette salle magnifique. De plus, comme Monsieur le Président l’a rappelé, il est tout à fait opportun de discuter de notre partenariat d’exception, notamment de notre coopération dans l’espace indopacifique.

Avant d’aborder ce sujet, je souhaite revenir brièvement sur le contexte géopolitique et sécuritaire dans lequel se trouve le Japon et évoquer les considérations qui se trouvent derrière notre concept de l’indopacifique libre et ouvert.

Si vous regardez deux cartes, une du Japon et l’autre de la France, avec un rayon de 1 500 km autour de Tokyo et de Paris, vous constaterez que la France est entourée par ses alliés de l’OTAN tandis que le Japon a un voisinage beaucoup plus compliqué. La Russie et la Chine sont des puissances nucléaires et la Corée du Nord n’a cessé d’augmenter ses capacités nucléaires et de missiles en violation des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU. Il est à noter en particulier que la Chine, en modernisant rapidement ses capacités militaires, se comporte de plus en plus agressivement. Par exemple, le nombre de décollages d’urgence dans l’espace aérien japonais s’élevait à environ 800 l’année dernière. Dans le passé, la majorité de ces événements était le fait d’avions russes. Aujourd’hui, environ 70 % sont des avions chinois. Par ailleurs, la Chine fait régulièrement intrusion dans les eaux autour des îles Senkaku, contrôlées légalement et effectivement par le Japon mais revendiquées par la Chine à partir des années 1970.

Face à un tel environnement sécuritaire, le Japon s’appuie sur son alliance avec les États-Unis pour compléter sa propre capacité de défense. Dans ce cadre, les États-Unis appliquent au Japon leur politique de dissuasion nucléaire étendue. Cette alliance permet aussi le déploiement avancé des forces américaines en Asie, garantissant la paix et la stabilité de la région.

Or les intérêts stratégiques du Japon vont bien entendu au-delà de l’Extrême-Orient car notre prospérité dépend aujourd’hui d’un environnement international beaucoup plus large. Tout particulièrement, l’espace indopacifique est considéré comme vital avec sa population qui représente la moitié du monde et ses voies de transport qui traitent un tiers du commerce mondial.

En 2007, lors de sa visite en Inde, le Premier Ministre Abe s’est exprimé pour la première fois sur la nécessité de faire de l’Océan Indien et de l’Océan Pacifique une zone de paix et de prospérité. En fait, cette vaste région fait face à plusieurs défis qui pourraient affecter la paix et la prospérité. Permettez-moi de vous donner deux exemples. Tout d’abord, la mer de Chine méridionale sert au transport maritime principal entre l’Asie de l’Est et le reste du monde. La Chine tente de modifier unilatéralement le statu quo en construisant des bases militaires sur des récifs qui sont revendiqués par plusieurs États riverains comme les Philippines, le Vietnam, la Malaisie et Brunei. Elle se justifie en invoquant son droit historique sur l’espace maritime entouré par la « ligne en neuf traits », qui n’a aucun fondement juridique en droit international.

Par ailleurs, la Chine a récemment adopté une loi autorisant ses garde-côtes à prendre des mesures coercitives dans les eaux qu’elle considère comme relevant de sa juridiction, ce qui compromet la liberté de navigation.

Concernant la prospérité et le développement durable dans la région, beaucoup de pays indopacifiques ont besoin d’investissements dans les infrastructures, en particulier celles pour améliorer la connectivité comme un port ou un chemin de fer. Toutefois, les prêts de l’extérieur qui ne tiennent pas compte de la soutenabilité de la dette ou des infrastructures de mauvaise qualité risquent d’entraver le développement durable, ce qui rend leur indépendance fragile.

Au vu de ces enjeux et de la réalité à laquelle fait face cette région, le Japon oeuvre pour l’indopacifique libre et ouvert. Cette initiative comporte trois volets.

  • Le premier volet est relatif à la préservation et à la promotion des valeurs universelles comme la liberté et la démocratie en consolidant les principes fondamentaux de l’état de droit et du respect des droits de l’Homme.
  • Le deuxième concerne la poursuite de la prospérité à travers le développement durable en renforçant notamment la connectivité avec des infrastructures de qualité.
  • Le troisième volet couvre les efforts en faveur de la paix et de la stabilité notamment dans le domaine de la sécurité maritime et de la liberté de navigation.

La France, par ailleurs, est le seul pays d’Europe qui est véritablement indopacifique car elle a des territoires d’outre-mer dans l’Océan Indien et dans l’Océan Pacifique. Il est donc naturel que le Japon et la France attachent une importance particulière à la coopération dans cet espace, dans le cadre de notre partenariat d’exception. Notre coopération a déjà donné de premiers résultats. Les exercices conjoints entre les forces japonaises et françaises ont été renforcés, selon les circonstances, en collaboration avec les forces américaines, australiennes et indiennes, tels que « La Pérouse » qui est en cours aujourd’hui même dans l’Océan Indien. La mission « Jeanne d’Arc » est par ailleurs attendue au Japon dans les mois qui viennent.

Dans le domaine des équipements de défense, nous travaillons ensemble pour développer un drone sous-marin qui améliorera notre capacité à détecter les mines. Le premier dialogue maritime global entre le Japon et la France a eu lieu en septembre 2019 à Nouméa, et le second suivra cette année.

Nos deux pays continuent d’identifier des projets concrets prometteurs en utilisant le cadre du groupe de travail sur l’indopacifique.

Nous souhaitons maintenir cette dynamique tout en profitant de diverses opportunités de dialogue y compris entre nos deux chefs d’État et dans le cadre du dialogue « 2 + 2 », prévoyant des réunions ministérielles bilatérales dans les domaines des affaires étrangères et de la défense.

Pour réaliser l’indopacifique libre et ouvert, élargir le concert des nations est indispensable. À ce propos, le Japon est reconnaissant à la France qui s’efforce d’établir la stratégie indopacifique au niveau européen. Le ministre japonais des affaires étrangères, Monsieur Motegi, a d’ailleurs participé au Conseil des affaires étrangères de l’Union européenne en janvier dernier pour parler de l’indopacifique avec ses homologues européens.

La collaboration avec les États-Unis est aussi essentielle. Nous sommes encouragés par la volonté politique manifestée à cet égard par l’administration Biden. L’Australie et l’Inde sont également nos partenaires privilégiés. Le Japon coopère avec ses trois pays dans le cadre du Quad. Je me réjouis d’ailleurs des progrès de la coopération trilatérale entre la France, l’Inde et l’Australie. Il est également important de coopérer avec les pays de l’ASEAN qui sont situés à un point stratégique reliant les deux océans.

Enfin, la coopération indopacifique n’est pas le seul sujet qui est discuté dans le cadre du partenariat d’exception entre nos deux pays. Je vais me contenter de vous présenter ici deux nouveaux axes dans lesquels le Japon et la France pourraient coopérer davantage : le « vert » et le « numérique ».

Plutôt que de considérer les défis environnementaux comme une entrave à la croissance, assurer la durabilité de l’environnement doit être considéré comme une opportunité voire un moteur de croissance. C’est la pensée essentielle de notre Premier ministre, Monsieur Suga, qui a annoncé en octobre dernier que le Japon vise, comme l’Union européenne, la neutralité carbone d’ici 2050. En décembre, il a aussi formulé la « stratégie de croissance verte » du Japon qui est très ambitieuse et comporte des objectifs chiffrés dans 14 domaines différents tels que l’hydrogène, l’éolien, le photovoltaïque, etc.

Quant à la transition numérique, la crise sanitaire que nous traversons nous a donné l’occasion de revoir nos modes de travail et de service prévalant jusqu’à aujourd’hui, avec le télétravail, la télémédecine, l’enseignement à distance, etc. Toutes ces innovations reposent sur les technologies numériques. Le gouvernement Suga envisage de profiter de cette opportunité pour promouvoir à la fois la numérisation de la société japonaise et la réforme administrative pour revitaliser le Japon.

Ces nouvelles orientations du Japon vers le « vert » et le « numérique » sont en parfait accord avec les priorités de la France. Je suis donc convaincu que la coopération entre nos deux pays dans ces domaines est pleine de potentiels.

A l’occasion d’un échange précédent, vous avez souligné, Monsieur le Président, qu’il serait essentiel pour les parlementaires français et japonais d’approfondir ensemble les questions diplomatiques et d’autres sujets importants pour nos sociétés. Je suis entièrement d’accord avec vous. Dès que la situation sanitaire le permettra, je souhaite que les échanges entre les deux Parlements, notamment entre les commissions des affaires étrangères et de la défense, reprennent. Je souhaite également que nous puissions profiter d’échanges bilatéraux de haut niveau, notamment la visite du Président Macron au Japon que nous espérons à l’occasion des Jeux Olympiques de Tokyo pour porter plus haut le niveau des relations entre nos deux pays.

[...]

M. Richard Yung. - Ma question portera sur le droit civil et plus particulièrement sur le droit de la famille. Il s’agit de la question de la garde et de l’enlèvement des enfants issus de couples franco-japonais lorsqu’il y a séparation. Le droit japonais ne reconnaît pas la garde partagée ni l’exercice partagé de l’autorité parentale, ce qui entraîne des situations extrêmement douloureuses. Je sais que le Japon a lancé une réforme de son code de la famille et envisage de moderniser la garde parentale. Lors de sa visite au Japon, le Président Macron avait proposé au Premier Ministre de l’époque de réactiver le comité consultatif franco-japonais sur ces questions, permettant d’en discuter entre nos deux ministères de la Justice. Où en sommes-nous sur ces questions ?

[...]

SE M. Ihara Junichi - [...] Concernant la difficulté des parents français à voir leurs enfants après un divorce avec un conjoint japonais, je suis tout à fait conscient de la gravité de cette question. Il faut la traiter de manière proactive. Cependant, le système japonais et le système français ne sont pas identiques. En effet, le système japonais ne reconnaît pas le partage de l’autorité parentale aux parents séparés. Le droit parental ne peut appartenir qu’à un seul parent. Dans ce cadre, nous essayons donc de trouver une solution équilibrée. Ce qui importe, c’est le bien-être des enfants. Le gouvernement doit donc faciliter la concertation entre les parents et c’est pourquoi le comité consultatif pourrait faciliter les discussions entre les parties concernées. De plus, le problème est plus large et concerne également les enfants issus de parents japonais séparés. Il nous faut trouver une solution équitable en mettant d’abord l’accent sur le bien-être et le bonheur des enfants.