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Je vous souhaite la bienvenue sur ce site archive de mon mandat de sénateur des Français hors de France.

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Richard Yung
Octobre 2021

Le 19 mai, j’ai participé, dans le cadre de la commission des affaires européennes, à l’audition de Franck Riester, ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l’attractivité.

Cette audition a été l’occasion d’aborder de nombreux sujets d’actualité : révision de la politique commerciale européenne, réforme de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), projet d’accord commercial entre l’UE et le Mercosur, relations commerciales transatlantiques, projet d’accord global sur les investissements entre l’UE et la Chine, mise en œuvre de l’accord économique et commercial global entre l’UE et le Canada (CETA), Brexit, etc.

J’ai interrogé le ministre sur les relations en matière de commerce et d’investissement entre l’UE et l’Inde.

Le 8 mai dernier, à l’occasion du sommet de Porto, les chefs d’État ou de gouvernement de l’UE et le premier ministre indien sont convenus de relancer les négociations en vue de la conclusion d’un accord commercial « équilibré, ambitieux, global et mutuellement bénéfique, qui répondrait aux défis actuels ». Afin de « créer la dynamique positive nécessaire aux négociations », les dirigeants européens et indien jugent « impératif de trouver des solutions aux problèmes d’accès au marché qui se posent depuis longtemps ».

Lancées en 2007, les négociations ont été suspendues en 2013, en raison de la volonté des autorités indiennes de maintenir certains droits de douane élevés.

Les dirigeants de l’Union et de l’Inde sont également convenus d’engager des négociations en vue de la conclusion :

  • d’un accord de protection des investissements, qui serait autonome ;
  • et d’un accord relatif aux indications géographiques, qui pourrait être conclu séparément ou intégré à l’accord commercial, en fonction du rythme des négociations.

Le renforcement des relations bilatérales en matière de commerce et d’investissement est d’autant plus nécessaire que l’UE est le premier partenaire commercial de l’Inde, qui est, quant à elle, le neuvième partenaire commercial de l’UE. Le volume total des échanges de biens et services est en constante augmentation (les échanges commerciaux entre l’UE et l’Inde ont augmenté de plus de 70% entre 2009 et 2019; les échanges entre la France et l’Inde représentent environ 15 milliards d’euros). Il en va de même pour le volume global des flux et des stocks d’investissements directs étrangers. Par ailleurs, environ 6 000 entreprises de l’UE sont implantées en Inde (environ 550 entreprises françaises sont implantées en Inde).

Pour ce qui concerne la protection des investissements, il est urgent de conclure un accord dans la mesure où l’Inde a dénoncé des accords bilatéraux conclus avec une vingtaine d’États membres de l’UE.

Vous trouverez, ci-dessous, plusieurs extraits du compte rendu de l’audition.

M. Franck Riester, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur et de l’attractivité. - C’est toujours un plaisir d’échanger avec les parlementaires, je le dis pour avoir été douze ans député. J’ai la chance et l’honneur, avec la Team France export, de défendre les couleurs de notre pays : nous agissons pour qu’il soit plus attractif et pour créer les meilleures conditions du développement des entreprises, notamment à l’international. Mon portefeuille recouvre quatre missions.

La politique commerciale est une compétence européenne, mais je dispose de bien des outils pour conforter notre place, avec la Team France export qui fédère les acteurs, les chambres consulaires, l’agence Business France, Bpifrance, en lien avec les régions, les antennes des chambres consulaires à l’étranger et, bien sûr, les postes diplomatiques. Nous avons renforcé ces moyens de 247 millions d’euros dans le plan de relance.

Avec la Team France Invest, nous agissons pour faciliter l’implantation d’investissements étrangers en France tout en étant vigilants pour qu’ils soient de long terme et ne préemptent pas nos fleurons nationaux.

J’assure aussi la gestion directe de grands contrats, tant à l’étranger que sur notre territoire, par exemple le métro de Belgrade.

Enfin, j’ai en charge la communication de la « marque France », que je m’emploie à valoriser, comme l’avait fait le Royaume-Uni après les Jeux olympiques de Londres avec la campagne GREAT.

Le moment est privilégié pour changer notre politique commerciale : je crois que nous pouvons être moins naïfs et mieux défendre nos entreprises, inscrire notre politique commerciale dans un développement durable et mieux participer à la lutte contre le réchauffement climatique, mais aussi contribuer au développement des droits sociaux. Nous avons l’occasion de bâtir la politique commerciale européenne du XXIe siècle, nous l’avons fait avec notre contribution à l’Union européenne. La communication récente de la Commission européenne nous convient en ce sens.

Vous l’avez dit, les ministres du commerce européens se réunissent demain pour valider la stratégie commerciale de l’Union européenne. Il y a débat, entre ceux qui sont plutôt partisans d’un laisser-faire, et d’autres, dont nous sommes, qui veulent une politique commerciale plus assertive, plus durable et juste. Dans le premier groupe, on trouve l’Allemagne, qui a une vision très ouverte du commerce mondial, mais aussi la Suède et le Danemark, ou encore la Slovaquie ; de l’autre côté, il y a des pays qui ont fait évoluer leur position sur le commerce, comme les Pays-Bas, et des pays du Sud, même si leur tropisme sur le Mercosur les met dans une position difficile par rapport au reste de l’Union européenne.

La Commission européenne évolue substantiellement, preuve en est sa récente communication. Le Président de la République a été à l’initiative, et les choses évoluent dans le bon sens. Nous avons un axe de discussion autour d’une politique plus protectrice, défensive, qui passe par la mise en place d’instruments contre les pratiques coercitives, par exemple d’un pays qui sanctionnerait un État de l’Union sans respecter les règles de l’OMC ; actuellement, quand un tel cas se produit, nous n’avons pas d’autre choix que d’attendre une procédure devant l’OMC, nous pourrions demain agir plus directement, dans le cadre de l’Union européenne. Nous allons aussi imposer la réciprocité sur les marchés publics, alors qu’elle est loin d’être la règle aujourd’hui : trop de pays nous ferment leurs marchés publics alors que les nôtres leur sont ouverts. Nous allons aussi lutter contre les entreprises qui bénéficient de subventions déloyales, afin de protéger nos entreprises de rachats par des concurrents ou de rétablir l’équité dans les marchés publics.

Nous voulons affirmer très clairement un changement de paradigme. Nous voulons mieux prendre en compte le développement durable et assurer que les prochains accords de libre-échange respectent l’accord de Paris. Nous discutons avec des États membres qui ne sont pas sur cette ligne. De même, nous voulons que nos partenaires commerciaux s’engagent dans la réduction de leur empreinte carbone et dans la lutte contre la déforestation. Nous défendons la création d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, notamment sur l’aluminium et l’acier, pour inciter nos partenaires à être plus exigeants. Nous voulons aussi être plus offensifs sur les droits sociaux, par exemple en mettant en avant le devoir de vigilance des entreprises : la France était pionnière en la matière avec la loi du 27 mars 2017 et nous voulons qu’à l’échelon européen, ce devoir de vigilance existe aussi, quitte à créer un instrument pour bloquer les importations qui seraient le fruit de travail forcé, c’est une attente de nos compatriotes.

Aussi, la France ne veut pas signer en l’état l’accord avec le Mercosur pour trois raisons : il y manque le respect de l’accord de Paris ; ensuite, nous voulons consolider la lutte contre la déforestation, alors que le Brésil réduit les moyens de ses agences publiques et des ONG qui défendent la forêt, tout en préparant une loi agraire dangereuse pour la forêt. Enfin, nous voulons que les normes sanitaires et phytosanitaires qui sont obligatoires en Europe s’imposent aux producteurs étrangers. L’Union européenne travaille sur le principe de clauses miroirs, alors qu’aujourd’hui toutes les normes ne sont pas réciproques et que nous n’avons pas la capacité d’obliger les autres pays à respecter nos normes. Nous voulons donc multiplier les clauses miroirs : nous y travaillons avec mon collègue Julien Denormandie. Des discussions sont en cours pour une convergence entre les États membres, afin que le Conseil soit dans la lignée de la contribution de la Commission, pour une autonomie stratégique ouverte, mais équilibrée, avec une politique commerciale moins naïve et qui prenne mieux en compte le développement durable.

Nous parlerons avec Ngozi Okonjo-Iweala, la nouvelle directrice générale de l’OMC dont l’Union européenne a soutenu la nomination, et qui entend moderniser l’OMC. Nous voulons débloquer l’Organe d’appel, avancer sur la pêche illégale, trouver les moyens pour mieux lutter contre la concurrence déloyale, en particulier en matière de subventions industrielles...

Avec Gina Raimondo, la nouvelle secrétaire d’État américaine au commerce, les sujets transatlantiques sont nombreux. Les relations s’améliorent, les signaux envoyés par les États-Unis sont positifs : réintégration dans l’accord de Paris, reprise des négociations à l’OCDE sur l’imposition minimale des entreprises et la taxation des services numériques, moratoire sur les taxes sur l’aéronautique, sur les vins et les spiritueux - l’ambiance est bien meilleure et nous travaillons à sortir par le haut du conflit entre Boeing et Airbus. Ce changement ne vient pas de nulle part : il tient à ce qu’en novembre dernier, l’Union européenne a pris la décision, après une négociation entre États membres qui n’a pas été facile, d’affirmer sa souveraineté en appliquant notamment des sanctions sur l’aéronautique américaine. Le précédent secrétaire d’État au commerce est aussitôt revenu à la table des négociations, sous la pression des producteurs américains et de Boeing. C’est parce que nous avons eu le courage d’affirmer notre souveraineté que le regard des Américains a changé. Il faut aller plus loin, mieux encadrer le financement du secteur aéronautique, car les choses bougent : les États-Unis, qui refusaient les avances remboursables des États européens pour Airbus, ont fait évoluer leur position et il faudra voir ce qu’il en est. Tout n’est pas réglé, mais on avance, avec l’espoir d’une solution avant le 11 juillet. Dans un autre contentieux, les États-Unis ont appliqué des mesures pour protéger leur acier et leur aluminium ; nous avons rétorqué par des mesures sur le bourbon et les motos Harley-Davidson, et par des mesures de sauvegarde sur le secteur de l’acier ; une deuxième étape devait intervenir au 1er juin, une déclaration a été faite pour repousser un peu cette échéance, le temps de réfléchir sur les surcapacités - c’est un signe encourageant, car les producteurs de vins et spiritueux craignaient un retour des sanctions américaines. Nous allons donc essayer de sortir des contentieux par le haut. Il y aura encore des difficultés, liées en particulier à l’utilisation extraterritoriale du droit américain et du dollar ; l’Union européenne doit affirmer sa souveraineté, via l’euro et d’autres leviers, mais le sujet est des plus complexes. Il faut y travailler, car les Chinois mettent en place des mécanismes similaires.

Un mot sur l’accord global entre l’Union européenne et la Chine sur les investissements, le CAI (Comprehensive Agreement on Investment), conclu fin 2020 entre l’Union européenne et la Chine : il s’agit d’un accord politique à ce stade pour améliorer la réciprocité en matière d’investissement, sans imposer aux investisseurs européens une majorité de capital, des dirigeants chinois et des transferts de technologies, et pour inclure une dimension de développement durable et de droits humains en matière d’investissement. Nous avons pu inscrire des engagements contre le travail forcé, c’est la première fois que les Chinois acceptent d’inscrire dans un accord d’investissement une mention qui ne porte pas seulement sur les affaires ; cependant, il est devenu hors de question de signer cet accord, compte tenu des sanctions chinoises appliquées à des députés européens, mais nous voulons continuer de l’utiliser comme levier.

L’Assemblée nationale a ratifié le CETA, qui est en application provisoire depuis le 21 septembre 2017, alors que certains États membres n’ont pas entamé le processus, comme la Grèce, l’Allemagne et la Pologne. Nous voulons prendre le temps de regarder la mise en œuvre de l’accord, qui est très positive pour l’économie française ; de 2016 à 2019, nos exportations vers le Canada ont progressé de 24 %, sans impact négatif sur des filières sensibles comme le bœuf par exemple, nous travaillons pour le respect des règles phytosanitaires au Canada, en demandant à la Commission des contrôles plus rigoureux et plus de transparence sur leurs résultats.

Sur le Brexit, nous sommes préoccupés, car, à peine l’accord signé, les Britanniques n’ont respecté ni leurs engagements de contrôles en mer d’Irlande prévus dans l’accord de retrait ni le volet pêche, en particulier à Jersey.

La désignation comme adjoint au directeur général commerce de la Commission de Denis Redonnet chargé de la mise en œuvre de la politique commerciale européenne est une bonne chose. J’ai échangé avec lui notamment dans le cadre du comité de suivi des parties prenantes ; son rôle a été décisif pour trouver des solutions par exemple avec la Corée du Sud et le Vietnam.

La politique commerciale doit contribuer aux réflexions sur le rééquilibrage des chaînes de valeur, sur la diversification des fournisseurs et sur la constitution de stocks ; c’est nécessaire face aux ruptures d’approvisionnement. Nous devons mieux organiser nos chaînes fragilisées par la crise sanitaire et tenir compte du caractère hétérogène de la reprise actuelle, bien plus forte en Asie qu’en Europe. L’économie asiatique a joué un rôle d’aimant, renchérissant le prix des conteneurs et des matières premières.

[...]

M. Richard Yung. - La reprise des négociations avec l’Inde est une bonne nouvelle. Le pays compte 1,2 milliard d’habitants, mais l’Inde est un partenaire difficile, avec des droits de douane très élevés, et une faible volonté de signer des accords. On viserait en particulier plusieurs accords, sur le commerce, sur la protection des investissements et sur les indications géographiques. Quelle est votre approche ?

[...]

M. Franck Riester, ministre délégué. - [...] Avec l’Inde, il y a la volonté d’aller plus loin, mais vous avez bien résumé la situation, les négociations ont été entamées depuis 2013, des contentieux sont à régler. Il est compliqué de négocier avec l’Inde, mais il est important de le faire : il en va de notre stratégie indo-pacifique dans son ensemble.