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Richard Yung
Octobre 2021

Le 23 juin, je suis intervenu dans un débat sur la programmation militaire.

Précédé d’une déclaration du Gouvernement, ce débat a été l’occasion de dresser un premier bilan des efforts engagés depuis le début du quinquennat d’Emmanuel Macron.

Le Premier ministre a rappelé que la loi du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 « a consacré une hausse historique du budget militaire ». Elle prévoit un effort financier de 295 milliards d’euros sur sept ans, dont 198 milliards d’euros sur la période 2019-2023. L’objectif est de « permettre à la France de retrouver un modèle d’armée complet et équilibré, à la hauteur des enjeux stratégiques d’aujourd’hui et de demain ».

L’effort de redressement et de modernisation des armées se décline en quatre axes prioritaires :

  • l’amélioration des conditions d’exercice du métier militaire (achat de nouveaux petits équipements ; déploiement du plan famille ; mise en œuvre de la nouvelle politique de rémunération des militaires ; etc.) ;
  • le renouvellement des capacités opérationnelles (accélération de la modernisation des équipements des armées : avions ravitailleurs, patrouilleurs et pétroliers ravitailleurs, nouveaux véhicules blindés, etc.) ;
  • le renforcement de l’autonomie stratégique de la France et le soutien à l’émergence d’une autonomie stratégique européenne (renforcement des capacités à plus forte valeur opérationnelle, notamment dans les domaines de l’espace, du cyber ou du renseignement ; participation de la France à 36 des 46 projets européens conduits dans le cadre de la coopération structurée permanente de l’UE ; etc.) ;
  • le renforcement de l’innovation et la transformation numérique (accroissement du budget de recherche et développement financé par le ministère des armées ; création de l’agence de l’innovation de défense ; création de l’agence du numérique de la défense ; etc.).

Le chef du Gouvernement a indiqué que « les ressources et les objectifs de la programmation sont strictement respectés ». La loi du 13 juillet 2018 est « la première loi de programmation militaire où annuellement les volumes de crédits exécutés sont conformes à ceux qui avaient été autorisés par la représentation nationale ».

Le budget annuel de la défense a été porté à près de 40 milliards d’euros, « seuil symbolique qui devrait être dépassé avec le projet de loi de finances pour 2022 ».

La loi de programmation militaire devait faire l’objet d’une actualisation « avant la fin de l’année 2021 » en vue « d’affermir les ressources budgétaires pour les années 2024 et 2025 » et « de rejoindre un effort national de défense de 2% du PIB à l’horizon 2025 », conformément à l’engagement du Président de la République.

Les conséquences économiques et financières de la crise sanitaire ont cependant « significativement bouleversé le contexte dans lequel cette actualisation était prévue ». En raison de la récession, « l’objectif de 2% du PIB se trouve déjà atteint ». De plus, « la longueur de la crise sanitaire, hélas toujours pas complètement terminée, ses conséquences économiques, dans un contexte qui reste incertain et que personne ne pouvait anticiper au moment de la préparation et du vote de la loi, ont changé les conditions de cette actualisation et donc les perspectives pour 2024 et 2025 ».

C’est pour ces raisons que le Premier ministre a « décidé de ne pas soumettre, à ce moment précis, au Parlement de texte d’actualisation de la loi de programmation militaire ». L’actualisation devra cependant « intervenir dès que l’horizon économique et financier sera clarifié ».

Au début de cette année, le ministère des armées a mis à jour son analyse du contexte stratégique auquel la France est confrontée (Actualisation stratégique 2021). Le chef du Gouvernement a indiqué que « nous sommes désormais confrontés à un dérèglement du monde ». À la menace, toujours présente, du terrorisme s’est ajoutée « la montée des appétits de certains pays en quête de puissance ». De nouveaux espaces de confrontation ont ainsi émergé (cyber, fonds marins, espace extra-atmosphérique).

Au regard de ce nouveau contexte stratégique, le Gouvernement a décidé de procéder à plusieurs ajustements capacitaires tout en « maintenant le socle défini en 2018 ». L’objectif est triple :

  • mieux détecter et contrer (renforcement de la priorité donnée au renseignement et développement des capacités défensives et offensives dans le champ du cyber et du numérique) ;
  • mieux se protéger (accélération de l’effort porté sur la résilience et la protection des forces armées dans trois domaines prioritaires : risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques, santé et lutte anti-drones) ;
  • mieux se préparer (renforcement de l’entraînement et de la préparation opérationnelle : achat de munitions supplémentaires, acquisition de nouveaux simulateurs, conduite d’un exercice interalliés Orion en 2023, etc.).

Comme prévu, la hausse du budget de la défense sera de 1,7 milliard d’euros en 2022 et de 3 milliards d’euros en 2023.

Contrairement à l’Assemblée nationale, le Sénat, dominé par la droite, a voté contre la déclaration du Gouvernement, et cela afin de protester contre l’absence d’une actualisation par voie législative de la loi de programmation militaire. Ce faisant, la majorité sénatoriale a voté contre l’amélioration des conditions de vie de celles et ceux qui risquent leur vie pour défendre la Nation, contre le renouvellement des blindés et contre la mise en œuvre à l’euro près de la trajectoire budgétaire. À l’instar de la ministre des armées, je déplore que la défense des Français devienne l’« otage de querelles politiciennes ».

Vous trouverez, ci-dessous, plusieurs extraits du compte rendu du débat.

M. Jean CastexPremier ministre. Monsieur, le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la loi relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025, adoptée à une très large majorité en 2018, a traduit l’engagement pris par le Président de la République devant la Nation en 2017 de fixer une nouvelle ambition pour notre défense nationale et de restaurer les moyens qui lui sont affectés.

Permettez-moi d’emblée de saluer, devant la Haute Assemblée, le travail de la ministre des armées, Mme Florence Parly, qui a élaboré, puis appliqué cette loi avec la rigueur et la détermination qu’on lui connaît. Permettez-moi également de remercier Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée placée sous son autorité.

Ce texte a fait l’objet d’un important travail avec le Parlement, tant lors de sa préparation que dans le suivi de son exécution. Je voudrais saluer tout particulièrement les sénateurs de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat qui y ont, notamment en 2017 et 2018, activement contribué.

Le texte prévoyait que la LPM ferait l’objet d’une actualisation de façon à fixer, au-delà de 2023, la trajectoire des ressources qui devaient permettre d’atteindre l’objectif fixé par le Président de la République, notamment celui de porter le budget des armées à 2 % du PIB à l’horizon de 2025. Il se trouve que la crise sanitaire ou plus exactement les conséquences économiques et financières de celle-ci ont significativement bouleversé le contexte dans lequel cette actualisation était prévue.

D’une part, en raison de la récession, il se trouve que l’objectif de 2 % du PIB est déjà atteint. D’autre part, et surtout, la durée de la crise sanitaire – qui n’est, hélas ! pas complètement derrière nous – et ses conséquences économiques, dans un contexte qui reste incertain et que personne ne pouvait anticiper au moment de la préparation de la LPM, ont changé les conditions de cette actualisation et, donc, les perspectives pour 2024 et 2025, puisque tel est l’objet de ce débat.

C’est pourquoi j’ai décidé, et je l’assume, de ne pas soumettre au Parlement à ce moment précis de texte actualisant la loi de programmation militaire. L’actualisation devra bien sûr avoir lieu, et ce dès que l’horizon économique et financier se sera éclairci.

En contrepartie, j’ai voulu que l’effort entrepris pour notre défense soit débattu de manière solennelle et, je l’espère, confirmé par la représentation nationale. J’ai également souhaité que le Parlement puisse délibérer de la mise en œuvre de cette programmation militaire et des inflexions éventuelles à lui donner. C’est la raison pour laquelle j’ai une nouvelle fois – mais pour la première fois, me semble-t-il, s’agissant d’un Premier ministre pour un sujet intéressant notre défense nationale – invoqué l’article 50-1 de la Constitution.

Cette loi de programmation militaire porte, comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, une ambition claire : permettre à la France de retrouver un modèle d’armée complet et équilibré, à la hauteur des enjeux stratégiques d’aujourd’hui et de demain. Cette ambition est d’autant plus indispensable que nous sommes désormais confrontés à un « dérèglement du monde », pour reprendre les mots du chef de l’État.

À la menace toujours présente du terrorisme, à cette menace qui relaie son obscurantisme par les réseaux de communication les plus modernes, tout en faisant appel à la technologie pour exploiter ou tenter d’exploiter les failles de nos systèmes de sécurité, à l’émiettement de la violence sans frein qu’elle provoque, s’est ajoutée la montée des appétits de certains pays en quête de puissance.

Pour construire un modèle complet et équilibré, capable de faire face aux menaces d’aujourd’hui comme à celles de demain, le Président de la République a voulu donner l’impulsion nécessaire à une transformation profonde de nos armées. C’est ce qu’a traduit la loi de programmation militaire.

Le premier objectif, le plus urgent, était d’abord de réparer les armées, dont les matériels étaient en mauvais état.

La ténacité et le professionnalisme de nos soldats, marins et aviateurs, dont l’engagement est souvent allé bien au-delà de ce que prévoyaient les contrats opérationnels, et à qui je veux une nouvelle fois rendre hommage devant vous, suffisaient de moins en moins à pallier la dégradation de leurs conditions d’intervention. Il fallait donc réparer pour rendre à nos armées les moyens de remplir durablement les missions qui sont les leurs.

Le second objectif consistait à préparer l’avenir, c’est-à-dire à anticiper, moderniser et innover, de sorte que nos forces disposent des matériels les plus performants, en nombre suffisant, et adaptés aux nouvelles menaces.

C’est avec la ferme volonté de réussir cette double opération de régénération et de modernisation que nous avons prévu une hausse historique du budget militaire. La force de nos armées et, donc, notre aptitude à rester maîtres de notre destin aux côtés de nos voisins européens et de nos alliés dépendent en effet de notre capacité à nous inscrire dans le temps long de l’histoire.

À cet effet, il convenait d’abord de disposer de budgets en conformité avec nos besoins. Dans les dix années précédant le vote de la LPM en 2018, les crédits votés en loi de finances initiale dans le cadre de la mission « Défense » étaient quasi systématiquement inférieurs à ceux qui étaient prévus, cet écart pouvant aller jusqu’à 2,3 milliards d’euros pour une année donnée.

Durant cette période, comme le Sénat l’a souvent relevé, ce ne sont pas moins de 3,8 milliards d’euros de crédits qui ont fait l’objet d’annulations ou de régulations, et pas moins de 60 000 postes qui ont été supprimés dans nos armées, si bien que notre effort de défense est progressivement passé de 2,1 % à 1,78 % du PIB en 2017.

C’est à cette situation qu’il convenait de mettre fin ce que, ensemble, nous avons fait. Le budget annuel a en effet été porté, par la volonté de l’exécutif et par votre vote, à près de 40 milliards d’euros, seuil symbolique qui devrait être dépassé dans le cadre du prochain projet de loi de finances pour 2022, contre environ 30 milliards d’euros en moyenne annuelle sur la période précédente.

Très concrètement, après une augmentation de 1,8 milliard d’euros en 2018, ce sont des hausses de crédits de 1,7 milliard d’euros qui ont été confirmées chaque année. Au total, depuis le début du quinquennat, le budget annuel des armées aura augmenté de plus de 25 %. Sur cette même période, en cumulé, le montant de ces ressources supplémentaires a atteint 27 milliards d’euros, soit plus de deux années de dépenses d’équipement et une accélération sans précédent de l’investissement en faveur de nos armées.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’appelle votre attention sur le choix politique et budgétaire que nous avons fait récemment, en 2020 et en 2021, de maintenir cette dynamique, alors même que la crise sanitaire nous a par ailleurs conduits à puiser très significativement dans nos finances publiques. Je le dis, car certains pays se sont servis de leurs dépenses militaires comme variable d’ajustement. Tel ne fut pas le cas de la France.

Aussi, je peux affirmer devant vous que les ressources et les objectifs de la programmation sont strictement respectés.

M. François Patriat. C’est vrai !

M. Jean CastexPremier ministre. C’est une réalité que vous me permettrez de qualifier d’historique, puisqu’il s’agit de la première LPM pour laquelle, annuellement, le montant des crédits exécutés est conforme à celui qui a été autorisé par la représentation nationale. Ce ne fut qu’exceptionnellement le cas pour les lois de programmation antérieures, comme vous le savez toutes et tous. C’est dans ce même esprit que nous préparons la loi de finances pour 2022.

Dans ces conditions, il ne faut pas s’étonner que la mise en œuvre de la loi de programmation militaire ait permis d’obtenir des résultats significatifs.

Les premières mesures – vous y avez d’ailleurs contribué – ont été « à hauteur d’homme », selon l’expression consacrée. Elles ont permis d’agir sur le quotidien de celles et ceux qui choisissent le métier des armes. Ces mesures très concrètes visent en effet à améliorer leurs conditions de vie, d’entraînement et de combat.

Ainsi, nous avons investi de manière inédite dans les infrastructures, notamment pour ce qui concerne le casernement. Nous avons porté une plus grande attention aux familles et aux conditions de logement, mais aussi veillé à mieux accompagner les personnels dans leurs carrières, notamment à travers la mise en place d’une nouvelle politique de rémunération plus moderne et plus juste.

Parallèlement, nous avons accéléré la modernisation des équipements. C’est notamment le cas de notre dissuasion nucléaire, dont le renouvellement des composantes aériennes et sous-marines est désormais engagé. Je fais aussi référence bien sûr aux nouveaux véhicules blindés conçus dans le cadre du programme Scorpion, qui renforcent considérablement la puissance de feu et la protection de notre armée de terre. Je pense encore à notre marine, à qui les nouveaux sous-marins de type Suffren, les Fremm – les frégates européennes multi-missions – et, demain, le futur porte-avions vont permettre de faire face aux nouveaux défis posés par les perturbateurs de l’ordre international en mer. Je pense à notre armée de l’air, dont la flotte d’avions de chasse et de drones armés se classera au meilleur rang mondial, et qui a enfin pu renouveler son parc d’avions de transport et de ravitailleurs.

Certains ont pu s’inquiéter ici même des retards qu’ils croyaient observer dans les livraisons de tel ou tel type d’équipement. Mme la ministre des armées pourra vous donner toutes les explications nécessaires, notamment les aléas qui en sont la cause. Ceux-ci sont d’une certaine façon la contrepartie d’une loi de programmation ambitieuse, qui compte des centaines de programmes différents. À l’intérieur du cadre global, certains programmes prennent de l’avance, d’autres du retard. Ces variations sont finalement le reflet d’une gestion dynamique et réactive de la programmation. L’essentiel est que nos forces disposent des équipements dont elles ont besoin au bon moment, pour pouvoir s’engager sur les théâtres d’opération.

Par ailleurs, et c’est un élément fondamental de notre politique de défense, la modernisation de nos forces doit s’accompagner d’une autonomie stratégique renforcée et d’un effort inédit en matière de renseignement. C’est évidemment dans ce secteur que la lutte contre le terrorisme exigeait un investissement majeur. Nous l’avons consenti : entre 2019 et 2023 – permettez-moi d’anticiper –, le montant annuel moyen du budget consacré au renseignement sera d’environ 400 millions d’euros, contre 260 millions d’euros en moyenne sur la période 2014-2018.

Nos services de renseignement verront leurs effectifs augmenter, puisque 25 % des créations de postes prévues par la LPM leur sont consacrées. De nouvelles capacités seront développées, en particulier pour intercepter les communications des groupes terroristes. En outre, le fonctionnement de nos services sera modernisé : la construction du nouveau siège de la DGSE, tout récemment confirmée par le Président de la République, en est une illustration emblématique.

Il en va de même s’agissant du domaine cyber. La loi de programmation militaire prévoit de consacrer 1,6 milliard d’euros à la consolidation de l’autonomie stratégique de la France. L’accroissement du nombre de cybercombattants traduit notre volonté d’investir ce nouvel espace de conflictualité. Nous visons un objectif de plus de 4 000 au terme de la période couverte par la LPM. Le ministère dispose d’ores et déjà de 3 000 cybercombattants. Un pôle cyber des armées sera créé pour concentrer les expertises.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce nouvel élan donné à notre défense va évidemment de pair avec la volonté de la France d’amplifier la relance de l’Europe de la défense.

L’Union européenne a ainsi fait du Fonds européen de défense une réalité tangible, avec un premier budget qui atteint 8 milliards d’euros courants. L’Union investit désormais directement dans les capacités militaires, ce qui constitue une avancée majeure dans sa prise en compte des enjeux de défense.

Il en va de même de la Facilité européenne de paix, qui, soutenue par la France et approuvée par le Conseil européen le 22 mars dernier, a été dotée d’un budget à hauteur de 5 milliards d’euros : ce fonds témoigne de l’engagement collectif des pays de l’Union européenne à s’engager pour la paix et la stabilité internationales. Notre pays a donc joué un rôle moteur pour que des projets ambitieux soient lancés dans le cadre de la coopération structurée permanente, qui a donné lieu à la validation de quarante-six projets auxquels participent vingt-cinq pays.

Avec nos partenaires européens, nous avons aussi lancé des programmes d’équipements stratégiques. Je pense en particulier au système de combat aérien du futur, qui associe la France, l’Allemagne et l’Espagne. Ce programme ambitieux, qui combinera avions de chasse et drones d’accompagnement, donnera à nos pays et, plus largement, à l’Europe un avantage stratégique pour la maîtrise du ciel et les missions dans la troisième dimension.

Dans le champ opérationnel, l’Initiative européenne d’intervention constitue un cadre souple pour réunir les nations qui veulent agir ensemble. Elle est en train de s’imposer comme une instance reconnue d’interopérabilité stratégique.

Pour en revenir à la France, je veux insister devant vous sur les impacts de la loi de programmation militaire en termes de relance, d’industrie et d’emploi.

Dans le cadre de la première partie de cette loi, sur cinq ans – entre 2019 et 2023 –, pas moins de 110 milliards d’euros auront été injectés dans l’économie pour les équipements, les infrastructures, ainsi que pour le maintien en condition opérationnelle. Ces crédits viennent soutenir fortement notre économie.

Sur les exercices 2021 et 2022, qui correspondent à la période du plan de relance, ce sont 40 milliards d’euros qui seront investis dans nos entreprises et nos territoires, notamment à travers le plan de soutien aéronautique. Il faut ajouter à ces montants ceux qui sont liés à nos exportations d’armement, grâce auxquelles, entre 2018 et 2020, plus de 21 milliards d’euros de commandes ont contribué au dynamisme de nos régions.

Comment ne pas insister devant vous sur les succès du Rafale à l’export, notamment avec les ventes récentes à la Grèce, à l’Égypte et à la Croatie, qui irriguent tout le tissu industriel de l’aéronautique de défense ?

Ces investissements sont ciblés pour conjuguer efficacité économique et pertinence opérationnelle. Je voudrais saluer ici les efforts menés par la Direction générale de l’armement pour soutenir l’écosystème des industries de défense, si important pour notre souveraineté industrielle, avec une attention toute particulière portée aux petites et moyennes entreprises.

Au total, les investissements prévus dans le cadre de la LPM vont contribuer à créer environ 25 000 emplois directs supplémentaires d’ici à 2022 et jusqu’à 70 000 à l’horizon de 2025. La seule industrie de défense représente près de 200 000 emplois de haut niveau, répartis dans toutes les régions – j’y insiste devant la chambre des territoires.

Je rappelle également que notre armée est le premier service recruteur de l’État. Elle ouvre chaque année à des dizaines de milliers de jeunes le chemin de la compétence, de l’épanouissement et de la méritocratie républicaine. Enfin, comme vous le savez, elle reste implantée en de nombreux endroits de notre territoire national.

Les objectifs visés par la loi de programmation militaire ont donc été pleinement respectés. Je tiens devant vous à saluer l’action, sous l’autorité de la ministre, du chef d’état-major des armées, du délégué général pour l’armement et de la secrétaire générale pour l’administration du ministère des armées : ils ont tous joué un rôle décisif dans la mise en œuvre de ce texte. Permettez-moi, dans cette circonstance particulière, de réserver une mention spéciale au général François Lecointre, qui vit les moments ultimes de sa carrière militaire. (Applaudissements.)

M. Gérard Longuet. C’est vrai ! C’est un type bien !

M. Laurent Duplomb. Pourquoi il part ? (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean CastexPremier ministre. L’évolution du contexte stratégique est venue confirmer la pertinence des priorités données à la loi de programmation militaire.

Depuis 2018, la prolifération des armes nucléaires suscite à nouveau une inquiétude majeure. Les actes hostiles se sont multipliés dans les airs et sur les mers, par exemple en Méditerranée ou en mer de Chine. Certaines puissances régionales ont pris des positions stratégiques sans égard pour le droit international.

Quant à la menace terroriste, je l’ai déjà évoquée, elle s’est diversifiée et développée. Les dispositions figurant dans la loi de programmation militaire doivent nous permettre de relever ces défis.

Comme vous le savez, face à de nouvelles menaces, nous avons d’ores et déjà procédé à des inflexions, par exemple – je veux y insister devant le Sénat – en renforçant notre action dans le domaine spatial. La création d’un commandement interarmées dédié, l’effort que nous faisons pour pouvoir opérer dans l’espace, pour y surveiller nos adversaires, pour protéger nos satellites s’inscrivent dans cette projection déterminée vers un avenir qui ne peut se permettre de dupliquer ce qui existe déjà. Le budget d’équipement consacré à l’espace a ainsi été quasiment doublé depuis 2017.

Les crises récentes et les leçons que notre pays a su en tirer ont conduit à des ajustements qui permettent désormais de détecter les menaces et de nous rendre plus résilients. C’est tout le sens des efforts que nous déployons pour accroître nos capacités opérationnelles, notamment dans les domaines prioritaires que sont le risque nucléaire, radiologique, biologique et chimique, mais aussi la santé, la lutte anti-drones et la lutte informationnelle.

Nos forces, qui s’adaptent sans cesse aux menaces, sont fortement mobilisées, notamment pour lutter contre le terrorisme, tant dans le cadre d’opérations extérieures, au Sahel ou au Levant par exemple, que sur le territoire national, en particulier dans le cadre de l’opération Sentinelle, qui est active depuis 2015 et que nous devons maintenir encore aujourd’hui.

Mais cette menace, comme la situation géopolitique du reste, évolue. C’est pourquoi nous cherchons simultanément à ajuster la programmation militaire et à adapter nos engagements en fonction du contexte stratégique.

Ne pas s’adapter en permanence au terrain comme aux circonstances revient évidemment à prendre un risque majeur. Cette règle, aussi ancienne que l’art de la guerre, est toujours d’actualité.

C’est évidemment la raison pour laquelle le Président de la République a annoncé la transformation de notre dispositif au Sahel. Le passage d’une logique propre aux opérations extérieures à celle d’un dispositif de coopération accrue avec les pays du G5 Sahel doit nous permettre de faire encore mieux face aux défis de cette région.

Ainsi, grâce à la force européenne Takuba, nous continuerons à lutter contre les groupes terroristes et accompagnerons nos partenaires du Sahel. Cette force est tout à fait inédite : pour la première fois, des pays européens s’engagent ensemble, mais de manière autonome, dans des actions de combat. Nos partenaires et alliés ont ainsi compris à quel point la stabilité de cette région du monde conditionnait la sécurité du continent européen. Je voudrais, à cette tribune, leur rendre, une nouvelle fois, un hommage solennel.

Cette évolution marque une étape significative dans notre engagement au Sahel. Le Gouvernement proposera au Parlement un débat spécifique sur le sujet.

Je veux rendre hommage à nos soldats, marins et aviateurs engagés en opérations extérieures. Alors qu’une attaque au véhicule-suicide vient de blesser six de nos soldats, en même temps que quatre civils maliens, j’ai à l’esprit, en cet instant, tous ceux qui ont payé leur engagement au prix du sang. Nous leur en serons éternellement reconnaissants, car la France n’oublie jamais celles et ceux qui sont tombés pour défendre notre liberté et notre souveraineté.

Mesdames, messieurs les sénateurs, grâce à l’effort historique réalisé sous l’impulsion du Président de la République, nos armées ont pu être dotées de ressources à la hauteur de leurs missions et engager leur reconstruction et leur modernisation. Cet effort engage évidemment la Nation tout entière et, comme je l’ai dit et illustré, il mobilise des ressources financières considérables. Cet effort, nous vous proposons de le poursuivre sans relâche ; de le poursuivre pour que notre pays puisse assurer sa défense et faire face aux défis qui viennent ; de le poursuivre, parce que sa longue histoire a appris à notre pays, de génération en génération, le caractère redoutable de ces défis.

Je considère que ce travail ne peut être conduit qu’en accord avec le Parlement. Je vous le dis au moment où j’apprends que le Bundestag a voté en faveur du SCAF, auquel je faisais référence précédemment. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.) C’est dans cet esprit que je me suis exprimé devant vous cet après-midi, un esprit d’union et de concorde, car, lorsqu’il s’agit de la souveraineté de notre pays et de la sécurité de nos concitoyens, lorsqu’il s’agit de la place de la France dans le monde, je sais pouvoir compter sur le sens des responsabilités des sénatrices et des sénateurs.

Aussi, la ministre et moi-même sommes particulièrement à l’écoute de vos contributions, analyses et propositions, que ce débat permettra de mettre en exergue. À l’issue de ce débat, je vous demanderai par votre vote de renouveler l’engagement que nous avons pris en 2018 et de confirmer ainsi notre ambition collective, tant en matière de défense que de moyens concrets, significativement renforcés, que nous affectons à nos forces armées et à nos soldats grâce à cette loi de programmation militaire. C’est une question de sécurité, c’est une question de souveraineté, c’est une question qui fonde le rayonnement de la France dans le monde. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

[...]

M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame la ministre des armées, mes chers collègues, je souhaite profiter du temps qui m’est imparti, cinq minutes, pour aborder la question sensible des surcoûts liés aux opérations extérieures. Cela me donne l’occasion de m’associer à l’hommage rendu à nos soldats par de nombreux orateurs avant moi.

Chaque année, nous votons une dotation budgétaire destinée à couvrir ces surcoûts. Depuis 2001, soit depuis vingt ans, cette dotation n’a jamais permis de couvrir les surcoûts constatés. Néanmoins, depuis 2019, leur budgétisation se rapproche des besoins grâce à l’augmentation progressive de la dotation initiale : de 850 millions d’euros, elle est passée à 1,1 milliard d’euros, ce qui représente une hausse de 30 %.

Les besoins de financement additionnels, c’est-à-dire les surcoûts nets non couverts par la dotation initiale, ont essentiellement été financés par un recours à la réserve de précaution. Je tiens à cet égard à saluer l’effort de transparence et de sincérité budgétaire accompli par le ministère des armées.

Dans son rapport sur le budget de l’État en 2020, la Cour des comptes considère que l’aboutissement de la trajectoire de la dotation a mis un terme aux sous-budgétisations chroniques des surcoûts OPEX. L’intégration des dépenses liées aux missions intérieures au sein de la dotation initiale a également contribué à l’amélioration de la programmation de ces coûts.

Afin de parachever ce mouvement, la Cour des comptes recommande d’inclure dans la dotation initiale les dépenses de personnel liées aux opérations intérieures telles que l’opération Sentinelle. Monsieur le Premier ministre, quelle suite le Gouvernement envisage-t-il de donner à ces propositions ?

Malgré l’amélioration de la programmation budgétaire des surcoûts, la majorité sénatoriale reproche au Gouvernement de ne pas recourir à la solidarité interministérielle pour couvrir ces surcoûts nets. Cette critique ne me semble pas justifiée, dans la mesure où les crédits de la réserve de précaution sont interministériels.

De surcroît, au regard des circonstances exceptionnelles auxquelles nous faisons face, il paraît difficile de faire jouer cette solidarité interministérielle au-delà de la mobilisation de la réserve de précaution. Que dirait-on si l’on prélevait des crédits destinés à la santé, à la vaccination ou à l’action sociale pour financer ces OPEX ?

Force est de constater que les efforts déployés par le Gouvernement tranchent nettement avec l’inaction des gouvernements Raffarin, Villepin et Fillon. Ces gouvernements n’ont, en effet, rien fait pour mettre fin à la sous-dotation des surcoûts OPEX.

M. Gérard Longuet. Voilà un discours fédérateur !

M. Richard Yung. Pis, ils ont financé les besoins de financement additionnels par des annulations de crédits d’équipement des forces, alors même que la loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014 disposait que ces surcoûts devaient être financés par la réserve de précaution interministérielle. Au total, près d’un milliard d’euros d’équipement des forces ont ainsi disparu. À l’époque, j’ai entendu peu de litanies sur la chute de notre dotation à l’armée… (M. Gérard Longuet s’esclaffe.)

M. André Gattolin. Hélas !

M. Richard Yung. La majorité sénatoriale est d’autant plus mal placée pour donner des leçons que le quinquennat de Nicolas Sarkozy a été marqué par une baisse des budgets annuels de 2 milliards d’euros entre 2009 et 2012, par la fermeture de quatre-vingt-trois emprises militaires et par la suppression de près de 60 000 emplois militaires. (M. Laurent Duplomb s’exclame.)

M. François Patriat. Eh oui !

M. Richard Yung. Avant de conclure, je souhaite saluer la décision du Président de la République relative à la reconfiguration de l’opération Barkhane. Cette décision est bienvenue : elle participe d’une logique d’européanisation et d’internationalisation de la lutte contre le terrorisme, en somme de meilleur partage du fardeau. À cet égard, je souhaite savoir comment la transformation du dispositif militaire français au Sahel se traduira sur le plan budgétaire.

Pour ces raisons, monsieur le Premier ministre, notre groupe soutiendra votre déclaration. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

[...]

Mme Florence Parlyministre des armées. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, une loi de programmation militaire a pour finalité de protéger les Français, aujourd’hui et demain.

La LPM est l’outil indispensable au soutien de l’engagement politique du Président de la République en matière de défense : un plan de frappe de près de 300 milliards d’euros pour réparer et préparer nos armées.

La loi de programmation militaire, c’est la réponse à une ambition, celle que le Président de la République a définie pour répondre aux enjeux d’un contexte stratégique – certains d’entre vous en ont rappelé les contours – marqué par une accentuation des tensions internationales, par la persistance de la menace terroriste et par l’affirmation désinhibée de puissances établies ou émergentes. Les milieux conventionnels ne sont pas seuls concernés : le sont également les milieux hybrides que sont le cyberespace, la datasphère ou l’espace exo-atmosphérique.

M. le Premier ministre l’a rappelé, cette ambition est celle d’un modèle d’armée complet dotant nos forces militaires de moyens d’action autonomes dans tous les champs d’opérations – milieux terrestre, maritime, aérien, spatial, grands fonds marins, espace numérique –, et ce, autant que possible, dans le cadre de coopérations.

Je ne vous apprends rien en évoquant cette ambition, puisque vous y avez pleinement adhéré et avez partagé l’analyse sur laquelle elle repose. La semaine dernière encore, monsieur le président, vous me rappeliez, non sans une certaine fierté, que le Sénat avait voté le 28 juin 2018 cette loi de programmation militaire sans réserve, à une majorité de 326 voix contre 14.

M. Bruno Retailleau. Avec l’article 7 !

Mme Florence Parlyministre. Par ce vote, vous avez exprimé à une très large majorité votre plein soutien aux orientations capacitaires et à la trajectoire financière de la LPM. Vous avez considéré en effet que nos forces armées en avaient besoin, qu’elles méritaient un effort national à la hauteur de leur engagement, que, tout simplement, un tel soutien était nécessaire.

Et comment en aurait-il été autrement ? Pendant des années, le budget des armées n’avait cessé de diminuer alors que, dans le même temps, les engagements de la France allaient croissant. Pendant des années, la défense avait été la variable d’ajustement des finances publiques. (M. Richard Yung manifeste son approbation.) Voilà maintenant quatre ans que ce n’est plus le cas, et je m’en félicite.

M. Christian Cambonprésident de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Nous aussi ! (M. Gérard Longuet renchérit.)

Mme Florence Parlyministre. L’engagement de nos soldats, aviateurs et marins est constant et sans réserve. Nous devons donc être à la hauteur.

Dès 2017, sans même attendre le vote de la loi de programmation militaire, nous avons assuré – quand je dis « nous », c’est nous tous – la croissance du budget des armées, avec une hausse de plus de 1,8 milliard d’euros en 2018 et de 1,7 milliard d’euros chaque année depuis lors.

La trajectoire financière de cette loi de programmation militaire s’est donc traduite par l’injection cumulée de 27 milliards d’euros supplémentaires dans notre économie. Autrement dit, en quatre ans, nous avons apporté l’équivalent de deux années de budget d’investissement supplémentaires.

Sur la période 2019-2023, les crédits budgétaires inscrits dans la LPM s’élèvent au total à 198 milliards d’euros, soit l’équivalent d’un plan de relance destiné à la défense seule. C’est considérable et c’est essentiel pour notre économie, qui en a plus besoin que jamais au sortir d’une crise sanitaire sans précédent.

Quand je parle de croissance du budget de la défense, je ne parle pas de promesses, mais d’actes. Vous le savez mieux que personne : comme l’a rappelé M. le rapporteur des finances, il y a les lois de finances initiales, mais il y a surtout l’exécution de ces lois de finances. Or, pour la première fois depuis des décennies, la LPM est respectée ; chaque année, les crédits ont été votés et les ressources affectées et exécutées conformément à la loi de programmation militaire.

J’en ai d’ailleurs rendu compte encore tout récemment à l’Assemblée nationale, au titre de l’année 2020, dans le cadre du « printemps de l’évaluation ». Et je ne doute pas, monsieur le président Cambon, que j’aurai encore à en rendre compte – c’est mon devoir – devant votre commission.

M. Christian Cambonprésident de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Vous êtes la bienvenue !

Mme Florence Parlyministre. Cet effort historique s’inscrit dans la durée, comme l’a souligné M. le Premier ministre voilà quelques instants.

Depuis le vote de la loi de programmation militaire, nous avons fait du chemin, et cela se voit. Pour reprendre une formule que les anglophones affectionnent, la LPM « délivre ».

Je ne détaillerai pas devant vous la longue liste des matériels qui ont d’ores et déjà été livrés à nos forces. Les matériels arrivent dans les unités ! Et nous constatons – vous constatez – chaque jour l’impact positif de ce changement sur le moral de nos militaires.

Quand on parle de loi de programmation militaire, on a souvent tendance à se concentrer sur les grands équipements ; mais c’est en fait bien davantage : la guerre se gagne certes avec des matériels, mais elle se gagne surtout avec des femmes et des hommes qui servent notre pays avec courage et avec abnégation. Et, précisément, la LPM 2019-2025 se caractérise par sa hauteur d’homme.

Quand on attend de nos forces qu’elles s’engagent pleinement dans les missions qu’on leur a fixées, quand on exige d’elles le meilleur, on doit leur donner les moyens d’agir en toute sérénité, à la hauteur de leur engagement.

J’ai donc fait de cet axe une priorité majeure de cette loi de programmation militaire, et je suis fière de pouvoir vous dire que les progrès sont là. La liste est longue et je sais que les membres de la commission des affaires étrangères et de la défense connaissent ces questions aussi bien que moi ; pour cette raison, je me contenterai de quelques exemples pour illustrer mon propos.

Une attention particulière a été apportée aux petits équipements, car ce sont les outils de travail du quotidien : près de 50 000 nouveaux fusils d’assaut ont été distribués, soit plus de 60 % de la cible ; 100 % des personnels déployés en opérations extérieures sont équipés du nouveau treillis ignifugé, plus protecteur que le précédent ; les nouveaux gilets pare-balles ont tous été livrés aux personnels qui devaient en être équipés.

Certains d’entre vous ont mentionné – je les en remercie – le plan Famille ; il est extrêmement complet. Il a été mis en place pour faire face aux difficultés que rencontraient les militaires et leurs familles dans leur vie quotidienne, parce qu’il n’y a pas de soldat fort sans famille heureuse. Les mesures retenues couvrent la condition du personnel, l’action sociale, la formation professionnelle, l’emploi des conjoints, le logement, l’hébergement… Vous l’avez compris, le cap est tenu en direction d’objectifs que nous avions fixés ensemble en 2018. Je dois donc avouer ma perplexité à entendre ceux qui en leur temps avaient voté des coupes budgétaires massives dire qu’ils vont s’abstenir, voire voter « sans complexe » contre une trajectoire en croissance,… (Vives protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Bruno Retailleau. Nous sommes droits dans nos bottes !

M. Cédric Perrin. Hors sujet !

Mme Florence Parlyministre. … qui plus est conforme à la loi qu’ils ont votée voilà trois ans. (Article 7 ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Retailleau. Respectez-la, la loi !

Mme Florence Parlyministre. Que faut-il comprendre ? Qu’il faudrait une diminution du budget de la défense pour que leur vote soit favorable ? (On s’indigne sur les travées du groupe Les Républicains.) Que la hausse des moyens ou la modernisation de nos armées induites par cette LPM comptent en définitive beaucoup moins que d’autres considérations qui, elles, ne sont pas de long terme ? (Les protestations redoublent sur les travées du groupe Les Républicains.) Mesdames, messieurs les sénateurs, contre quoi allez- vous voter ?

M. Gérard Longuet. Contre l’absence de débat !

Mme Florence Parlyministre. Contre l’amélioration des conditions de vie de celles et ceux qui risquent leur vie pour nous protéger ? (Huées sur les travées du groupe Les Républicains, où l’on martèle les pupitres.)

M. Gilbert Roger. Scandaleux !

Mme Florence Parlyministre. Je sais bien, cela vous gêne !

Allez-vous voter contre une meilleure protection des Français aujourd’hui et demain ? (C’est honteux ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Contre le renouvellement des blindés, des frégates et des avions vieillissants de nos armées ? Contre la mise en œuvre, à l’euro près, de la programmation que vous avez approuvée ?

Vous le savez très bien : s’il existe un sujet régalien qui devrait dépasser les clivages, eu égard aux enjeux qu’il revêt pour notre nation, c’est bien celui de la défense.

M. Cédric Perrin. C’est ainsi que nous avons toujours fait !

Mme Florence Parlyministre. Je crois que les Français méritent mieux que ça.

M. Didier Mandelli. Ils savent à quoi s’en tenir !

Mme Florence Parlyministre. Que leur protection devienne l’otage de querelles politiciennes est inadmissible et surtout dangereux !

M. Bruno Retailleau. Ils veulent le respect du Parlement, les Français !

Mme Florence Parlyministre. Et qu’en penseront les militaires ? (Le brouhaha redouble d’intensité.)

M. Yves Bouloux. Ils sont d’accord avec vous ?

Mme Florence Parlyministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous vous avons écoutés, à nous de nous exprimer dans le silence.

M. Gérard Longuet. Nous avons été élus, nous !

M. Cédric Perrin. Nous n’avons pas été insultants !

Mme Florence Parlyministre. Qu’en penseront les militaires eux-mêmes ?

M. Jean-Raymond Hugonet. Eux aussi savent à quoi s’en tenir !

M. Cédric Perrin. Ils vont peut-être écrire une tribune !

Mme Florence Parly, ministre. Car s’abstenir ou voter contre une loi qui améliore leurs conditions de vie ne me semble pas à la hauteur de leur engagement. (Nouvelles protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) Le 14 juillet approche, mesdames, messieurs les sénateurs. L’attachement à nos armées ne se clame pas uniquement ce jour-là.

J’en viens à la question qui m’est posée. (Il était temps ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marie-Arlette Carlotti. Allez-y !

Mme Florence Parlyministre. Pourquoi n’y a-t-il pas d’actualisation ? (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Gilbert Roger. Oui, pourquoi ?

Mme Florence Parlyministre. L’objectif fixé par le Président de la République est clair : vous l’avez rappelé, il s’agit d’atteindre 2 % du PIB à l’horizon 2025 pour nos armées.

Or, si les ressources financières ont été fixées pour la première partie de la loi de programmation militaire, jusqu’en 2023 inclus, vous vous souvenez sans doute que l’exacte trajectoire reste à définir pour les deux dernières années, 2024 et 2025.

Si l’on s’en tenait, comme vous le préconisez, à la lettre de la LPM et de son article 7, que se passerait-il ? L’objectif de 2 % ayant été atteint dès 2020 – nous l’avons constaté –, cela signifie-t-il qu’il eût fallu interrompre nos efforts ? Bien sûr que non ! Il faut les poursuivre – je n’ai entendu personne dire le contraire. Faut-il considérer que nos forces sont réparées et que nous pouvons en rester là ? Nous savons que le chemin à parcourir est encore long et que nous avons beaucoup à faire. Si vous soutenez la défense, comme vous venez de le réaffirmer avec force, il faut donc à l’évidence soutenir cette loi de programmation militaire : c’est un choix de cohérence.

Recourir à un texte législatif, mesdames, messieurs les sénateurs, eût été inopérant, car nous ne disposons pas de prévisions macroéconomiques fiables pour les années 2024 et 2025. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Souhaiteriez-vous prendre le risque de pénaliser nos armées face à l’incertitude de la conjoncture économique ? (Mêmes mouvements.) Pour autant, mesdames, messieurs les sénateurs, nous ne restons pas l’arme au pied, selon l’expression consacrée. Nous avons conduit en début d’année un travail important d’actualisation stratégique, dont je vous ai présenté les conclusions en détail le 17 mars dernier ; ce travail confirme toute la pertinence de l’ambition fixée pour notre défense.

S’y trouve toutefois souligné aussi que nous n’avions pas anticipé l’accélération de certaines menaces et de certaines tendances. Des inflexions sont donc nécessaires, autour de trois axes : « mieux détecter et contrer », c’est-à-dire renforcer la priorité donnée au renseignement en développant notamment nos capacités défensives et offensives dans le champ du cyber et du numérique ; « mieux se protéger », en accélérant l’effort porté sur la résilience, c’est-à-dire la protection de nos forces et des Français sur le territoire national, en ce qui concerne en particulier les risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques (NRBC), la santé et la lutte anti-drones ; le troisième axe, « mieux se préparer », concerne l’entraînement et la préparation opérationnelle : les conflits d’aujourd’hui montrent que nos armées doivent être prêtes à riposter dans tous les champs de la conflictualité, qu’ils soient matériels ou immatériels, ce qui suppose un entraînement plus conséquent et plus sophistiqué. L’effort en cours sur la disponibilité des matériels y contribue directement.

Nous sommes donc bien en marche (Sourires.) vers l’actualisation : nous travaillons à ce qu’elle puisse intervenir en temps utile.

Faute d’actualisation, j’entends beaucoup de choses qui me semblent relever du mythe, à moins qu’il ne s’agisse par là de tester les capacités de lutte contre la désinformation que nous développons. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Je voudrais couper court à certaines rumeurs ou, à tout le moins, aux mauvaises interprétations.

Les différents intervenants ont fait de multiples références au rapport d’information de la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat. À l’exception d’une synthèse de quelques pages, ce rapport demeure introuvable pour ceux qui le cherchent, ce qui n’empêche pas certains de le saluer. N’ayant pas eu la chance d’en être destinataire, il m’est difficile – vous en conviendrez – d’y répondre systématiquement, point par point.

Ce que j’ai pu en lire révèle une vision centrée sur les 5 % vides d’un verre à 95 % plein. Permettez-moi de vous le redire : nous sommes au rendez-vous et le verre est bien à 95 % plein !

On fait état de surcoûts ; ils s’élèveraient, dit-on, à 8,6 milliards d’euros ! À ce propos, tout de même, votre synthèse est des plus ambiguës : bien qu’elle ne soit pas longue, il faut patienter jusqu’au milieu de la cinquième page pour y lire, entre deux phrases en gras, que « ces montants ne représentent en aucun cas un surcoût net sur l’enveloppe de la LPM ». Nous voilà rassurés ! Je vais vous le dire, quant à moi, de manière plus claire : il n’y a pas de surcoût de 8,6 milliards !

Comme je vous l’ai dit, la programmation est un plan de bataille ; or, à la guerre, on s’adapte ! La LPM n’est donc pas un objet figé : nous avons fixé un cap sur une longue période et nous procédons à l’exécution en nous adaptant à la réalité, celle de la « vie des programmes », comme on dit, et celle de la conjoncture économique. La crise sanitaire, par exemple, a entraîné certaines difficultés pour nos industriels : certains n’ont pas toujours été en mesure de livrer les équipements dus à bonne date quand d’autres étaient en capacité de le faire.

Cet exercice n’a rien de théorique. Il a lieu chaque année – vous le savez très bien – et conduit à des ajustements de trajectoire capacitaire dont vous êtes informés à travers les documents budgétaires et les rapports d’exécution que nous produisons chaque semestre à votre attention.

Il semble que ce rapport de votre commission fasse référence à certains décalages. Mais, s’ils existent – j’y reviendrai dans un instant –, ces décalages résultent d’une analyse détaillée et d’une priorisation que les forces armées assument totalement.

Je voudrais relever un certain nombre d’erreurs. Vous évoquez par exemple le surcoût induit par le programme des FDI, les frégates de défense et d’intervention ; or il n’y a aucun surcoût ! Nous avons simplement décidé d’anticiper d’une année la commande de la troisième frégate, qui était prévue avant la fin de la loi de programmation militaire. Où est donc le surcoût ? Il s’agit d’une décision qui permet d’assurer la continuité du plan de charge de Naval Group, à Lorient.

En ce qui concerne les dépenses liées au covid, je me félicite de l’agilité dont le ministère des armées a su faire preuve en se mobilisant pleinement pour que tous les crédits qui ne pouvaient être dépensés en raison des retards de certains travaux puissent être redéployés.

Nous avons donc accéléré la dépense partout où cela était possible, non pour le plaisir de dépenser l’argent public, mais bien pour répondre aux besoins de nos armées et pour soutenir notre économie au moment où elle en avait le plus besoin, en y injectant 1 milliard d’euros supplémentaires. Il ne s’agit pas d’un surcoût, mais de la mise en œuvre d’un système de vases communicants entre dépenses anticipées et dépenses retardées.

Je voudrais, dans un autre domaine, lever des inquiétudes qui ont été exprimées de manière récurrente : alors que nous enregistrons des succès historiques à l’exportation concernant le Rafale, je trouve extraordinaire qu’une excellente nouvelle pour nos emplois, pour nos entreprises et pour notre influence à l’international soit considérée par certains comme un problème.

M. Cédric Perrin. Ce n’est pas ce que nous avons dit ! (M. le président de la commission se joint à cette dénégation.)

Mme Sophie Primas. Tout va bien, il n’y a pas de problème !

Mme Florence Parlyministre. Pour ce qui est de l’export de Rafale à la Grèce, vous savez que cette commande se traduira par la production par Dassault de dix-huit avions neufs. Et, comme je l’ai déjà souligné, une cadence de production d’un Rafale par mois représente 7 000 emplois, non seulement chez Dassault, mais aussi dans les 500 petites et moyennes entreprises qui contribuent à la chaîne de valeur du Rafale.

Et l’intérêt n’est pas moindre lorsqu’il s’agit de vendre des appareils d’occasion : nous avons déjà passé la commande qui permettra de compenser l’impact de la cession d’appareils d’occasion aux armées grecques pour notre armée de l’air et de l’espace.

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Nous ne le nions pas !

Mme Florence Parly, ministre. Ces avions seront au rendez-vous en 2025.

Nous avons également rencontré un grand succès en Croatie, puisque nous allons y exporter douze avions. Là encore, contrairement à ce que j’ai pu entendre, et je m’en suis personnellement entretenue avec M. le président de la commission, ces appareils seront évidemment compensés à l’armée de l’air et de l’espace.

Certes, ils ne partent pas immédiatement : ils partent moins vite que les avions grecs. Mais nous allons passer cette commande ; où est donc le problème ?

M. Christian Cambonprésident de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Mais dites-le-nous !

M. Cédric Perrin. S’il y avait eu un débat en bonne et due forme, nous l’aurions su !

Mme Florence Parlyministre. Mais je vous l’ai dit, monsieur le président de la commission, et je vous le répète solennellement à cette tribune.

Vous le voyez, il y a finalement peu à redire sur cette loi de programmation militaire. (On se gausse sur les travées de droite – M. Jean-Raymond Hugonet lève les bras au ciel.) Et il est d’autant plus difficile d’y redire quand tant a manqué à nos armées sous les mandatures précédentes.

Cela a été fort bien rappelé : entre 2007 et 2015, le budget de la défense a été durablement maintenu autour de 30 milliards d’euros, ce qui ne permettait même pas de préserver le pouvoir d’achat de nos armées.

Entre 2009 et 2013, ce ne sont pas moins de 3,8 milliards d’euros qui ont manqué à l’appel si l’on compare les budgets exécutés à ce que prévoyait une LPM pourtant calculée au plus juste.

Entre 2008 et 2015, 60 000 emplois ont été supprimés au sein du ministère de la défense. Ces suppressions ont pesé sur toutes les armées et sur tous les services de soutien à un moment où ils étaient particulièrement mis à contribution, ce qui a remis en cause la capacité des armées à conduire les opérations dans la durée.

Des réductions temporaires de capacité majeures avaient été consenties à l’occasion des lois de programmation militaire précédentes : patrouilleurs de la marine, avions ravitailleurs et de transport… La dernière LPM s’emploie non seulement à combler ces réductions temporaires de capacité, mais aussi à renouveler des équipements anciens dont le maintien en condition opérationnelle aurait été extrêmement coûteux.

Je m’étonne que l’on puisse s’offusquer du décalage d’un an du lancement du programme Capacité hydrographique et océanographique future quand notre marine a subi les conséquences des coupes budgétaires des périodes précédentes.

À cet égard, je vous renvoie à un excellent rapport du Sénat, dont la publication remonte à 2007 ; il y était déjà souligné que le programme des frégates multi-missions (Fremm) avait accumulé un retard de trois ans. Faut-il rappeler qu’ensuite le nombre de Fremm prévues a été ramené de dix-sept à huit, mais que le coût du programme, lui, n’a pas varié ? Autrement dit, la marine nationale a acquis ces bateaux à un coût unitaire multiplié par deux.

M. André Gattolin. Les chiffres sont là !

Mme Florence Parlyministre. Le Sénat, je le sais, j’en suis témoin, sait se distinguer, quand il le veut, par la qualité de ses travaux. Sur ce sujet on ne peut plus sérieux, celui de la programmation militaire, s’il vous plaît, retrouvez votre sérieux ! (Protestations indignées sur les travées des groupes Les Républicains et SER – M. François Patriat applaudit.)

M. Philippe Mouiller. C’est insultant !

M. Bruno Retailleau. Quel mépris du Parlement !

M. Cédric Perrin. Vous n’aviez qu’à organiser un débat !

Mme Florence Parlyministre. Le Sénat, quand il le veut, sait prendre ses responsabilités.

M. Yves Bouloux. Encore faut-il qu’il y ait un État en face !

Mme Florence Parlyministre. Vous l’avez prouvé en votant largement cette loi de programmation militaire ; vous l’avez prouvé en votant les budgets annuels qui en permettent l’exécution. Alors, ressaisissez-vous. (Les protestations redoublent sur les travées des groupes Les Républicains et SER.)

M. Bruno Retailleau. Ça suffit !

Mme Florence Parlyministre. Mesdames, messieurs les sénateurs (Au revoir ! sur les travées du groupe Les Républicains.), vous l’avez compris,…

M. Laurent Duplomb. Pour comprendre, on a compris !

Mme Florence Parly, ministre. … la LPM est un engagement pleinement respecté par le Gouvernement. Nous ne dévions pas de la cible ; le cap est fermement tenu.

Cette loi de programmation militaire, vous le savez mieux que personne, est une première étape vers l’Ambition 2030, vers le modèle d’armée complet, durable et équilibré qui permettra de protéger la France et les Français des menaces futures.

Cet effort de remontée en puissance de nos armées, nous le poursuivrons bien évidemment au cours de l’année 2021 et à travers le budget pour 2022. Il est essentiel que la représentation nationale y apporte son plein soutien. C’est un signal fort pour nos armées et pour les femmes et les hommes qui les font vivre ; ils vous écoutent, et ils apprécieront. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Yves Détraigne applaudit également.)