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Je vous souhaite la bienvenue sur ce site archive de mon mandat de sénateur des Français hors de France.

Mandat que j'ai eu l'honneur de faire vivre de 2004 à 2021.
Ce site est une image à la fin de mon mandat.
Vous y trouverez plus de 2 000 articles à propos des Français de l'étranger. C'est un véritable témoignage de leur situation vis-à-vis de l'éducation, de la citoyenneté, de la protection sociale, de la fiscalité, etc. pendant ces 17 années.

Je me suis retiré de la vie politique à la fin de mon mandant en septembre 2021, je partage désormais mes réactions, points de vue, réflexion sur https://www.richardyung.fr

Merci de votre visite.

Richard Yung
Octobre 2021

Arrivés à Tokyo en début de soirée le 20 avril, René Aicardi, notre conseiller AFE pour la région, et moi-même sommes accueillis à Narita par M. Philippe Martin, Consul de France qui a organisé notre séjour et nous accompagnera dans la plupart des visites avec beaucoup de compétence et de gentillesse.

Nous commençons par un dîner japonais qui regroupe plusieurs associations (Français du Monde-ADFE, AF-FCPE, Associations familiales) et syndicats et une trentaine de convives. J’explique l’objet de notre visite qui est de rencontrer la communauté, de l’assurer du soutien de la France et de comprendre les difficultés qu’elle peut rencontrer. Chacun explique sa façon de ressentir les choses : retour ou non de la famille et des enfants, avenir du lycée, emploi, crainte du nucléaire et traçabilité alimentaire. J’insiste sur le fait que dans des périodes de crise, la solidarité et la participation à des actions de soutien comme la caravane des chefs français doivent être la règle. René souligne l’action exemplaire à nos yeux de la manière dont l’ambassade et le consulat ont géré cette crise difficile.

Le 21 avril, nous commençons la journée par une visite à l’Institut franco-japonais dirigé par M. Robert Lacombe. Le bâtiment ancien (1952) a souffert dans le tremblement de terre. L’idéal serait de pouvoir en construire un nouveau sur le même site, sans doute dans une opération « public-privé » si la conjoncture permet encore ce type d’opération. Nous rencontrons également la représentante du personnel qui s’inquiète de la baisse du nombre d’inscrits.

M. Louis-Michel Morris, Ministre conseiller, Chef des Services Économiques pour le Japon et la Corée, nous fait un tableau de la situation économique. Il est probable que la croissance économique sera pour 2011 sera entre -1 % et 0. Un des problèmes majeurs est la fourniture d’énergie et d’électricité puisque 13 centrales sur 54 ont été fermées. Il manquera environ 20% d’électricité cet été (35% est d’origine nucléaire).
Sur le plan industriel, le Japon s’est positionné depuis plusieurs années sur la production de produits et composants de haute technicité dont il a le monopole mondial (par ex. certains composants en fibre de carbone, les dérailleurs de vélo, les cuves nucléaires, l’électronique de contrôle des moteurs automobiles, …). Le budget à venir (2011-2012) aura un déficit de 8% malgré des coupures importantes sur les allocations familiales et la baisse des salaires de fonctionnaires. L’endettement public qui est de 200% augmentera du fait du financement de grands travaux de reconstruction à la suite des tremblements de terre et tsunami.

M. Christophe Grignon, Directeur de l’AFII (Agence française pour les investissements internationaux) nous fait un tableau des investissements japonais en France. Une trentaine de projets par an sont concrétisés (pour moitié nouveaux, pour moitié accroissement d’existants). 2011 se caractérise par la volonté du Japon de diversifier ses risques dans le domaine de la chimie et de l’automobile. Plusieurs régions françaises sont actives avec parfois leur propre représentation.

M. Philippe Bardol, Directeur, complète par l’action de la Mission économique-Ubifrance. La crise ouvre de nouvelles possibilités pour les entreprises françaises (radioprotection, traçabilité alimentaire, gestion des risques industriels, …) alors que les secteurs plus traditionnels comme le luxe, l’hôtellerie, la restauration, les vins et spiritueux souffrent. Le Japon a également la nécessité de restaurer une image extérieure ternie.

M. Philippe Faure, notre Ambassadeur nous reçoit ensuite. Il nous explique que 1500 Français environ ont quitté Tokyo très rapidement sur recommandation de leur entreprise (beaucoup d’entreprises n’ont pas ré-ouvert avant plusieurs jours). L’ambassade, elle, a conseillé aux Français qui n’avaient pas de raison impérative de rester de s’éloigner de Tokyo pour quelques jours. Les avions envoyés par Paris quelques jours plus tard ont rapatrié environ 1000 personnes. Sont restés beaucoup de ceux qui n’avaient pas la possibilité de séjourner à l’étranger ou dans un hôtel du sud du Japon. Il y a eu un mouvement limité « accusant » les Français d’avoir « déserté » le Japon à un moment difficile mais il est maintenant semble t il, derrière nous.
Il rend hommage au travail de nombreux bénévoles et souligne l’action très engagée de Thierry Consigny, conseiller AFE, auquel nous nous associons avec plaisir.

Après un déjeuner à l’ambassade qui regroupe plusieurs associations et conseillers autour de M. Faure et qui est consacré en grande partie au lycée, nous rencontrons MM. Benoît Guidée et François Maizières, Conseiller culturel et Adjoint. Mme Florence Rivière-Bourhis, Conseillère scientifique brosse un tableau de notre coopération scientifique dans certains domaines d’excellence pour le Japon comme la cancérologie, le vieillissement, la robotique.

M. Pierre-Yves Cordier, Conseiller nucléaire nous donne des informations sur la catastrophe de Fukushima. Il confirme que les « rolling black outs », les coupures sélectives d’électricité, vont reprendre en juillet avec les chaleurs et l’utilisation de la climatisation. De plus un certain nombre d’installations thermiques classiques (gaz, charbon, fuel) ont été endommagées par le tsunami. Des moyens de production provisoires (turbines à gaz) vont être mis en œuvre mais sans parvenir à satisfaire la demande. Il faudra également mettre en œuvre des réductions d’utilisation d’électricité significatives : cela fera du Japon une économie pilote en ce domaine.
De toute évidence TEPCO et le gouvernement n’ont pas su faire face à la crise en ses tous débuts même si par la suite ils ont repris les choses en main. Leur communication a été désastreuse et jeté le doute sur la fiabilité des informations. Enfin il faut se souvenir que sur le plan technique, les centrales de Fukushima ont été conçues il y a 50 ans et datent. Pour l’immédiat, Areva va dans les tous prochains jours commencer le traitement des 40 ou 50 000 tonnes d’eau de refroidissement contaminée qui stagnent sur le sol et le sous sol des trois centrales.
Il souligne le rôle actif et positif de l’IRSN français qui a rassuré la communauté en publiant des mesures fiables et des évaluations raisonnées. La collaboration de l’ASN a été semble t il plus délicate à obtenir. Il faudra probablement plusieurs années (5 à 6 ans) pour comprendre l’ensemble des phénomènes qui se sont déroulés et en tirer tous les enseignements.
L’opinion publique japonaise est certes beaucoup plus sensibilisés au risque nucléaire mais ne semble pas le rejeter complètement : le débat sur cette question essentielle doit se poursuivre.

Nous nous rendons ensuite à la Chambre de Commerce et d'Industrie Française du Japon dirigée par M. Nicolas Bonnardel. La CCIFJ évalue régulièrement le moral et les intentions de ses adhérents au Japon. Elle considère que le Japon devra inventer un nouveau modèle de société à utilisation moins intense d’énergie et peut devenir un laboratoire pour le monde, couplé avec son développement en société « holding » : les capitaux restent au Japon et les usines de production sont décentralisées à travers le monde. Des domaines comme les matériaux de construction, la chaine de traçabilité alimentaire, le e-commerce vont se développer.
Enfin un gros effort devra être fait pour restaurer la confiance dans l’économie et l’image du Japon dans les pays européens et en France. Je prendrai contact à cet égard avec l’ambassade du Japon en France.

Le soir, en présence de M. le Consul, nous tenons une réunion avec plusieurs associations : l’Association des Français du Japon (M. Yves Alemany), l’Association des familles franco-japonaises du Japon (Florence Costa Kageyama ), M. Thierry Consigny (conseiller AFE, UFE). Malheureusement l’association Français du Monde-ADFE est une nouvelle fois absente. La discussion porte surtout sur le fonctionnement du plan de sécurité. Sur une centaine d’ilotiers potentiels, 75 sont réellement nommés. Mais la violence de la crise fait qu’une partie d’entre eux ont quitté Tokyo pour des raisons tout à fait respectables de sécurité de leurs familles et d’eux-mêmes. Il n’en demeure pas moins qu’il faut faire fonctionner le réseau. Une crise de jour comme celle-ci est beaucoup plus difficile à gérer car les transports en commun sont arrêtés, les voitures ne peuvent plus circuler. Les écoles ont dû garder les enfants souvent jusqu’au lendemain. Le consulat a passé plusieurs jours à rechercher des Français signalés par leurs familles en France mais non déclarés. Il serait utile d’étudier le renforcement du système d’enregistrement (volontaire) ARIANE qui donne au moins une adresse, un mél, un téléphone. Enfin une personne du consulat devrait être dédiée aux contacts et à l’information des ilotiers.

Le soir un agréable dîner coréen nous réunit avec le Consul, Mme Emmanuelle Marchand, Premier Secrétaire, Mme Sandra Cohen, Vice-consule, et René Aicardi. Nous faisons le point longuement sur la situation des enfants franco-japonais et sur les possibilités d’une ratification de la convention de La Haye par le Japon. La réunion extraordinaire du comité de suivi franco-japonais qui se tiendra le 28 avril sera à cet égard utile.

Nous passons la matinée du vendredi 22 avril au lycée français sur le site de Ryohoku. Rencontre d’abord avec le proviseur M. Michel Sauzet et le proviseur adjoint, M. Guillaume Jublot, qui remplace le proviseur adjoint rentré définitivement en France à la suite du tremblement de terre ainsi que la directrice du primaire (curieusement, ce sont les deux seuls cas). Le lycée a géré la crise en gardant les élèves et en les faisant dormir sur place (il n’y avait plus de moyens de transport). Ré-ouvert le 4 avril, le lycée compte actuellement 557 élèves. Le directeur en espère 600 après la Golden week (après Pâques) et 750 à la rentrée de septembre, c'est-à-dire une diminution de l’ordre de 200 par rapport à la situation précédente (à noter qu’il y a 120 bourses et 60 PEC). Si tel est le cas, 5 classes de primaire et 2 du secondaire seront fermées provisoirement. Le projet du nouveau lycée à ne doit pas être remis en cause puisque le déménagement devrait se faire à la rentrée 2012. Il y a donc maintenant une situation de trésorerie tendue avec un déficit attendu de 2,7 millions d’euros cette année. Ce déficit devrait être couvert par une subvention de l’AEFE et, sans doute, par une contribution des réserves de l’établissement. Il n’est pas prévu d’augmentation des frais de scolarité pour 2011. À moyen terme, si l’on veut atteindre les 1200 élèves prévus, il sera nécessaire de faire venir de nouveaux « publics » au lycée : enfants japonais, européens d’autres pays de l’Union, filière technique (hôtellerie, restauration, création, mode, luxe, …) ainsi que la possibilité d’un internat pour les enfants de famille éloignées de Tokyo. J’ai bien conscience que ceci n’est pas dans la culture pédagogique de l’AEFE qui reste très classique (scolarité d’excellence, baccalauréat avec mention, classes préparatoires), la volonté de l’AEFE se renforçant des angoisses des parents. Ce sera certainement un rude débat entre les parents, l’AEFE, l’Ambassade. A suivre …
Je fais ensuite un exposé devant les élèves de terminale sur le métier de sénateur puis nous recevons les associations de parents d’élèves qui souhaitent confirmation de la stabilité des écolages pour la prochaine rentrée et qui mettent en avant l’idée d’une personnalisation du coefficient K.

L’après midi, nous rencontrons l’ancienne sénatrice Yoriko Madoka (que j’ai déjà vue à plusieurs reprises au parlement), membre du PD qui est très engagée dans le combat des droits de la femme et sur la question des enfants de couples séparés. Elle anime un réseau considérable (5000 personnes) qui milite pour ces valeurs. Elle souligne l’opposition des féministes à la ratification de la convention de La Haye dans la crainte que celle-ci permette de séparer beaucoup plus facilement la mère de son enfant. La tradition japonaise a été jusque dans les années 60 que ce soit le père qui garde l’enfant en cas de séparation. La pratique actuelle où la garde maternelle est quasi monopolistique est donc vécue comme une victoire des droits de la femme et la convention de La Haye, dans cette perspective, comme une menace contre les mères. Le divorce au Japon n’est pas prononcé par un juge mais un simple « contrat » entre les deux époux, signé et déposé à la mairie (comme le mariage). Il ne comprend pas, ou rarement, les modalités de la séparation : biens communs, enfants, … 8% seulement font appel à un médiateur, et 2% au juge.
Nous rencontrons ensuite Mme Nishimura Chinami ancienne vice ministre des affaires étrangères et député de Niigata, influente au sein du PD. Elle insiste elle aussi sur la prévention et la poursuite des violences conjugales, ce qui est une manière de ne pas répondre à la question des enfants « kidnappés »par leur mère japonaise. Elle souhaite un développement de la médiation familiale. Elle pense que la ratification de La Haye est en bonne voie mais prendra du temps car la procédure parlementaire est longue (sic !).

Le soir nous organisons une réunion débat à l’ambassade avec une bonne centaine de nos concitoyens : René Aicardi et moi-même expliquons le but de notre visite, les enseignements que nous en tirons puis nous répondons aux nombreuses questions : fiscalité, traçabilité, ilotage, élections à venir, licenciements abusifs, …
L’ambassadeur fournit à plusieurs reprises des explications bien utiles sur la position de la France.

Dîner de départ avec Thierry Consigny, qui a été particulièrement actif pendant ces récentes difficultés, sa collaboratrice, René et un haut fonctionnaire japonais M. Watanabe qui prépare un projet de loi réformant le code de la famille.

Départ pour Paris de l’aéroport d’Haneda, beaucoup plus commode

Vous pouvez également lire tous les articles de mon site sur le Japon après le séisme, le tsunami et catastrophe nucléaire en cliquant ici.

Chambre de Commerce et d'Industrie Française du Japon