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Je me suis retiré de la vie politique à la fin de mon mandant en septembre 2021, je partage désormais mes réactions, points de vue, réflexion sur https://www.richardyung.fr

Merci de votre visite.

Richard Yung
Octobre 2021

Le 17 mai, à l’issue de débats constructifs, le Sénat a adopté à la quasi-unanimité (327 voix pour et 2 voix contre) le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.

Porté par le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, ce texte vise à donner un « nouvel élan » à la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales. Il a vocation à remplacer la loi du 7 juillet 2014 d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale.

Lors de la séance publique, Jean-Yves Le Drian a déclaré, à juste titre, que le développement de la solidarité internationale est « la clé pour rendre des perspectives d’avenir aux populations du Sahel », « tenir les objectifs de l’accord de Paris » et « tirer tous les enseignements de la crise pandémique ». Le projet de loi « constitue une étape décisive dans la refondation, au service des Françaises et des Français, d’une diplomatie des résultats, d’une diplomatie du XXIème siècle, d’une diplomatie des valeurs ».

Les débats ont porté principalement sur la programmation financière et la commission indépendante d’évaluation de la politique de développement.

Contrairement à la loi du 7 juillet 2014, le projet de loi prévoit la fixation d’une trajectoire budgétaire, en vue d’atteindre l’objectif fixé par le président de la République d’une aide publique au développement (APD) représentant 0,55% du revenu national brut (RNB) en 2022 et 0,7% du RNB en 2025.

Alors que le Gouvernement et sa majorité souhaitent que l’évolution des crédits de la mission budgétaire « Aide publique au développement » soit fixée jusqu’en 2022 et « complétée, avant la fin de l’année 2022, pour les années 2023, 2024 et 2025 », le Sénat souhaite que la programmation financière soit fixée dès à présent jusqu’en 2025. La programmation financière serait en outre « actualisée avant la fin de l’année 2023, après consultation et vote du Parlement, afin d’examiner la possibilité d’atteindre en 2025 l’objectif de 0,7% ».

Le Sénat souhaite également que la future loi fixe des cibles de concentration de l’APD (aide bilatérale : 70% à compter de 2022 ; dons : au moins 65% à compter de 2022 ; aide-pays programmable consacrée aux 19 pays prioritaires : au moins 30% en 2025).
En séance, le Gouvernement a proposé, en vain, d’ajuster ces cibles afin qu’elles soient atteignables et compatibles avec les autres objectifs poursuivis par la politique d’APD (aide bilatérale : 70% en moyenne sur la période 2022-2025 ; dons : au moins 75% du montant de l’APD hors allègement de dette, mesurée en équivalent-don, en moyenne sur la période 2022-2025 ; aide-pays programmable consacrée aux 19 pays prioritaires : au moins 25% en 2025).

Le Sénat souhaite par ailleurs que le produit de la taxe sur les transactions financières (TTF) soit consacré à hauteur de 60% à l'APD – via le fonds de solidarité pour le développement – à compter de 2022, contre environ 30% actuellement.

La création d’une commission indépendante d’évaluation de la politique de développement est l’une des mesures phares du projet de loi. Elle vise à renforcer la transparence de l’APD, qui demeure peu lisible, du fait de la complexité des instruments financiers mobilisés, de la multiplicité des acteurs impliqués et du poids des ressources extrabudgétaires dans les financements déployés (fonds de solidarité pour le développement). Il s’agit, in fine, de favoriser l’appropriation, par les citoyens, des enjeux liés à la mise en œuvre de la politique de développement.
Nous avons longuement débattu de la composition et des modalités de désignation des membres de la commission. La majorité sénatoriale propose de confier la présidence de la future instance au premier président de la Cour des comptes. Outre son président, la commission comprendrait douze membres désignés pour un mandat de trois ans renouvelable une fois : trois magistrats de la Cour des comptes, deux députés, deux sénateurs, trois personnalités qualifiées désignées par le Gouvernement, un représentant des collectivités territoriales et un représentant des pays partenaires nommé par le Gouvernement.
Afin d’assurer le caractère indépendant de la commission, j’ai défendu, en vain, un amendement visant à faire en sorte que :

  • la commission ne comprenne aucun parlementaire, ni aucun représentant des collectivités territoriales (il faut en effet éviter que certains membres soient à la fois juges et parties) ;
  • les personnalités qualifiées soient désignées par l’Assemblée nationale et le Sénat ;
  • le président de la commission soit désigné par l’Assemblée nationale et le Sénat, parmi les magistrats de la Cour des comptes et les personnalités qualifiées ;
  • le représentant des pays partenaires soit désigné par le premier président de la Cour des comptes (l’idéal serait de nommer le président de la cour des comptes d’un pays africain) ;
  • le Gouvernement ait la possibilité d’élargir, s’il le juge utile, la composition de la commission.

En séance, le Sénat n’a pas modifié le dispositif permettant la restitution, au plus près des populations des États étrangers concernés, des recettes provenant de la cession des biens dits « mal acquis » confisqués aux personnes définitivement condamnées. Les produits de cession donneront lieu à l’ouverture de crédits au sein d’un nouveau programme budgétaire destiné à financer des actions de coopération et de développement qui ne seront pas comptabilisées au titre de l’APD.

Une autre avancée majeure est le renforcement du pilotage politique de l’Agence française de développement (AFD). À mon initiative, le Sénat a inséré dans le projet de loi une disposition prévoyant la remise au directeur de l’agence d’une lettre annuelle d’objectifs. Cette réforme se traduira aussi par une réaffirmation de l’autorité des ambassadeurs sur l’AFD, notamment dans le cadre des conseils locaux de développement (CLD), qui seront chargés d’élaborer les projets de stratégie-pays ainsi que les projets de programmation-pays. Il importe de noter que les conseillers des Français de l’étranger siégeront au sein des CLD.

Réclamée de longue date par le Sénat, l’intégration d’Expertise France au sein du groupe AFD doit permettre à l’expertise technique française de gagner en lisibilité et en compétitivité. Il conviendra d’accorder une attention particulière aux conditions d’emploi des salariés d’Expertise France. Une solution devra être trouvée pour faciliter la mobilité intra-groupe, fidéliser le personnel – dont le taux de rotation est aujourd’hui élevé – et, ce faisant, éviter une perte de savoir-faire.

À plusieurs reprises, M. Le Drian a été amené à s’exprimer sur la question du criblage des bénéficiaires finaux de l’APD. Le criblage est un dispositif visant à lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Les contrôles sont effectués par les organisations non gouvernementales auprès de leurs salariés, fournisseurs et partenaires impliqués dans le déploiement de l’aide. Le criblage s’applique aux actions de développement, mais non aux actions humanitaires (principe de non-discrimination). Pour ce qui concerne les actions de stabilisation, « il existe une zone grise ». Le ministre juge « normal de faire les vérifications qui s'imposent ». Le projet de loi prévoit que le Gouvernement devra remettre au Parlement un rapport évaluant les possibilités de dispense de criblage des bénéficiaires finaux pour certaines actions de stabilisation à l’intérieur de périmètres géographiques définis caractérisés par une situation de crise persistante et l’existence de groupes armés non étatiques.

Je me réjouis que le Sénat ait adopté 46 des 71 amendements que j’avais déposés en tant que chef de file du groupe Rassemblement des démocrates progressistes et indépendants (RDPI). Ces amendements visent notamment à :

  • faire figurer la lutte contre la pollution parmi les objectifs de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales ;
  • préciser que l’autonomie corporelle des filles, des adolescentes et des femmes fait partie intégrante du socle fondamental du développement durable, au même titre que l’égalité entre les femmes et les hommes, ainsi que l’autonomisation politique, économique et sociale des femmes ;
  • affirmer que la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales de la France a pour objectif d’assurer la participation des femmes aux opérations de maintien de la paix et aux processus de paix et de sécurité, dans le cadre de l’agenda « Femmes, Paix et Sécurité » ;
  • indiquer que la France doit mettre l’accent sur la protection des défenseurs des droits des personnes appartenant à des populations autochtones;
  • mettre en exergue la contribution de Campus France à l’appui de la France à l’accès universel à un socle de connaissances et de compétences fondamentales ;
  • souligner le rôle essentiel joué par le sport en matière de développement ;
  • préciser que la France favorise la circulation des « talents » des pays partenaires (le président de la République souhaite « que la France puisse accueillir 1.000 nouveaux talents africains chaque année dans le domaine de la création d’entreprises, dans la recherche, dans l’innovation, dans la culture, dans le sport ») ;
  • rappeler que la politique commerciale doit contribuer à la promotion et à la protection des droits humains;
  • affirmer que la France s’engage dans la promotion d’une gouvernance démocratique du numérique et pour la défense d’un cyberespace libre, ouvert et sûr, et qu’elle se mobilise en faveur de l’amélioration de la connectivité des populations, et en particulier des femmes, en soutenant le développement d’infrastructures numériques durables ;
  • mettre en exergue le rôle central joué par les collectivités territoriales d’outre-mer en matière d’APD ;
  • faire figurer dans le rapport annuel que le Gouvernement devra remettre au Parlement les montants de l’APD transitant par les instruments d’aide liée (aide octroyée à condition que le pays bénéficiaire l’utilise pour acheter des biens et services issus du pays donateur) ainsi que les actions menées par la France pour consolider le cadre de la mobilité croisée et des volontariats réciproques, pour favoriser le développement d’opportunités d’engagement à l’international et pour prévenir les dérives du « volontourisme »;
  • préciser le rôle et les modalités de fonctionnement de la commission d’évaluation de la politique de développement (mise en exergue du caractère indépendant de la commission ; extension du champ de l’évaluation aux stratégies et à l’efficience des projets et des programmes d’aide publique au développement [l’objectif est de permettre la prise en considération des efforts déployés par les pays partenaires en vue de lutter contre la corruption et le détournement de fonds] ; représentation équilibrée de chaque sexe ; obligation, pour les personnalités qualifiées, de remettre une déclaration d’intérêts au premier président de la Cour des comptes ; obligation, pour l’État et les autres personnes publiques conduisant des actions en faveur du développement, de répondre dans les meilleurs délais aux demandes d’information formulées par la commission ; présentation au Parlement du rapport annuel de la commission ; transmission du rapport annuel de la commission à la Commission nationale de la coopération décentralisée).

Ces amendements viennent s’ajouter aux 18 amendements du groupe RDPI qui avaient été adoptés par la commission des affaires étrangères (voir mon article du 20 avril).

Les dispositions qui n’ont pas été adoptées dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale et le Sénat seront prochainement soumises à une commission mixte paritaire (CMP), chargée de proposer un texte de compromis.

Vous trouverez, ci-dessous, le compte rendu de mon intervention dans la discussion générale.

M. Richard Yung. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis pour examiner un projet de loi très attendu, qui prend une résonance toute particulière avec la crise liée à la pandémie de covid.

Cette crise frappe plus durement les pays pauvres et fragiles. Elle rend plus difficile l’atteinte des 17 ODD, qui ont été fixés par le programme de développement durable à l’horizon 2030. Les progrès accomplis ces dernières décennies en matière de lutte contre la pauvreté, de santé et d’éducation sont dangereusement remis en cause.

Face à ce constat alarmant, le secrétaire général de l’ONU a appelé à « un surcroît d’ambition et de mobilisation » pour atteindre les ODD d’ici à 2030. C’est exactement ce que nous faisons ! Un surcroît d’ambition et de mobilisation est d’autant plus nécessaire qu’un retard dans la mise en œuvre de l’Agenda 2030 avait été constaté.

Avec le texte ambitieux dont nous sommes saisis, la France est en capacité de répondre à cet appel. Elle est plus que jamais mobilisée pour lutter contre la pauvreté et les inégalités mondiales.

Notre pays est par ailleurs pleinement mobilisé pour aider l’Afrique à sortir de la pauvreté, ce qui est l’une de nos priorités, en concentrant les moyens de l’APD sur 19 pays prioritaires, dont 18 pays d’Afrique subsaharienne et en particulier 5 du Sahel. Aussi le Président de la République pourra-t-il faire des annonces lors du Sommet sur le financement des économies d’Afrique subsaharienne prévu le 18 mai prochain.

L’adoption unanime du projet de loi à l’Assemblée nationale témoigne du caractère consensuel de la réforme proposée par le Gouvernement. Je me félicite de l’état d’esprit constructif dans lequel notre commission a mené ses travaux, de façon convaincante et à vive allure. Je suis convaincu qu’un même état d’esprit nous animera d’ici à la fin de la discussion du texte en séance publique. Je remercie le président Cambon, les rapporteurs et tous les collègues qui ont bien voulu travailler avec nous.

Pour ce qui concerne la programmation financière, il reste quelques divergences. Je regrette que notre commission ait réduit l’ambition du texte adopté par l’Assemblée nationale (M. Rachid Temal, rapporteur, le conteste.), qui visait à faire sorte que la France mette en œuvre tous les moyens dont elle dispose pour atteindre l’objectif de 0,7 % du RNB consacré à l’APD en 2025. J’espère qu’une rédaction de compromis pourra être trouvée.

Par ailleurs, tout en me réjouissant de la volonté de nos rapporteurs de consacrer à l’APD 60 % du produit de la TTF, je m’interroge sur l’opportunité d’abonder un instrument extrabudgétaire, le fonds de solidarité pour le développement (FSD), qui échappe au contrôle du Parlement et a longtemps servi à compenser la baisse des crédits de la mission « Aide publique au développement ».

S’agissant de la commission indépendante d’évaluation, le groupe RDPI a déposé plusieurs amendements visant à assurer le caractère indépendant de la future instance.

Lors de l’examen de l’article 9, nous devrons notamment répondre à trois questions.

Premièrement, des parlementaires doivent-ils siéger au sein de la commission, sachant que l’Assemblée nationale et le Sénat disposent de leur propre capacité d’évaluation et qu’ils seront destinataires des rapports ?

Deuxièmement, les personnalités qualifiées doivent-elles être désignées par le Gouvernement, qui assure le pilotage de la politique d’APD ?

Troisièmement, quel rôle la Cour des comptes et son premier président doivent-ils jouer ?

Nous devrons en outre veiller à ce que la commission puisse se pencher sur la question du détournement de l’APD. Ce phénomène est difficile à évaluer. La Banque mondiale s’y est récemment essayée. En ce qui concerne les 22 pays les plus dépendants de son aide, elle estime à au moins 5 % la part des flux détournés vers des paradis fiscaux.

Cela m’amène à évoquer la question des biens dits « mal acquis ». Le procès en appel de l’oncle de Bachar el-Assad pour blanchiment de détournement de fonds publics montre, s’il en était encore besoin, combien il est nécessaire de créer un dispositif permettant la restitution, au plus près des populations des États concernés.

Pas moins de 500 millions d’euros de biens et de valeurs auraient été saisis en France ces dernières années. Le dispositif prévu à l’article 1er s’inspire très largement de la proposition de loi de notre collègue Jean-Pierre Sueur, que je tiens à saluer et que nous avons suivi au travers de la rédaction de nos amendements.

Une autre avancée majeure est l’intégration, réclamée de longue date, d’Expertise France. Afin de garantir le succès de cette réforme, une attention particulière devra être accordée aux conditions d’emploi des salariés d’Expertise France. Il faudra trouver une solution pour faciliter la mobilité intragroupe.

J’espère que nos débats permettront d’améliorer ce texte, qui est d’ores et déjà très bon, afin que le groupe RDPI – et peut-être aussi tous les groupes – puisse le voter. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi qu’au banc des commissions. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)