27 juillet 2024

« Sofort ! » (Günther Schabowski)

   Cela ne vous dit sans doute par grand-chose, ni l’expression allemande qui veut dire “immédiatement” ni le nom. C’est pourtant ainsi qu’ont commencé la chute du mur de Berlin puis la fin du bloc de l’Est et de l’URSS.

Nous sommes le soir du 9 novembre 1989. Depuis de longs mois de grandes manifestations se déroulent en DDR à Leipzig, Dresden, Berlin mais aussi en Pologne où le syndicat Solidarnosc s’est imposé, en Hongrie qui a ouvert sa frontière avec l’Autriche, en Tchécoslovaquie aussi. Le Parti Communiste d’Allemagne de l’Est (SED) a chassé le triste Honecker et installé une nouvelle direction qui cherche à faire face à la crise, sans le soutien de Gorbatchev qui ne veut plus intervenir dans ces pays satellites.

 A l’issue d’une réunion du Bureau politique du SED, Günter Schabowski rend compte de décisions facilitant la liberté de réunion, celle de manifester et celle de se rendre à l’étranger. Quand un journaliste, l’interrompant, lui demande : “ à partir de quand ?”. Pris de court, Schabowski répond : “ sofort”, tout de suite, ce qui n’était pas prévu par la direction politique. Il y a à ce moment 500 000 personnes sur l’Alexanderplatz. Elles se ruent vers les postes frontières de la Bornholmer Strasse et de la Porte de Brandebourg. Le colonel Harald Jäger qui commande les gardes-frontières comprend qu’ils sont impuissants à contenir une telle foule, et fait lever les barrières : le mur et système communiste viennent de tomber.

Je relis en ce moment “la technique du coup d’Etat” de Curzio Malaparte. Une de ses thèses est que les révolutions ne sont pas faites par les masses mais par un petit groupe d’hommes formés et décidés, bien commandés. Il s’agit de prendre le pouvoir et ses moyens techniques : communications, trains, poste, centrales électriques. A titre d’exemple, il décrit le rôle de Trotsky lors de la Révolution de Saint Petersbourg qui déclenche la prise de pouvoir sans en référer à la direction du parti bolchevique et sans l’accord de Lénine qui croyait lui au rôle des masses.

Ce qui s’est passé à Berlin en novembre 1989 montre que la thèse de Malaparte est erronée : le pouvoir est tombé comme un fruit mûr, miné de l’intérieur et sous les coups de boutoir des centaines de milliers de citoyens qui ne le reconnaissaient plus. La prise de pouvoir par Mussolini puis par Hitler confirment cela.

Dommage, Malaparte écrit si bien !

©CC A 3.0

Richard Yung

Richard Yung, Sénateur des Français de l'étranger de 2004 à 2021, partage ici ses réactions à l'actualité.

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